Rien ne ressemble plus à un corps de femme que l’oeil, la bouche ou l’oreille de cette femme. C’est en tout cas le credo de Bill Plympton, figure majeure de l’animation indépendante. Dans ses Amants électriques, les corps mutent en effet par métonymie, un zoom sur un détail donnant naissance au corps entier dans lequel il s’inscrit. Parfois, deux corps se mêlent et n’en font plus qu’un, comme pour rappeler la complétion qu’est l’amour selon Platon : c’est le cas des amants du titre, Jake et Ella. Dès que leurs regards se croisent pour la première fois, le désir les soude irréversiblement, et le dessin (toujours à la main chez Plympton, ici avec l’appoint du numérique) les réunit jusque dans les visions les plus délirantes et anamorphiques du dessinateur. Et lorsqu’ils risquent d’être séparés par les tromperies de Jake, Ella utilise une machine à métempsycose pour se glisser dans la peau de ses rivales au moment où elles font l’amour avec son amant. Il suffit alors d’une lumineuse idée de dessinateur pour les réunir : les yeux d’Ella remplacent ceux de la maîtresse. Le film, polarisé autour de cette entité que forment les amants, s’épanouit dans une foule de détails quotidiens rendus extraordinaires et loufoques par l’inventivité du trait, donnant à ces Amants électriques le souffle des plus belles histoires d’amour.