Si l’ambition des programmateurs du Festival International du Film de La-Roche-sur-Yon était de proposer un événement exigeant et populaire, eh bien ils ont réussi leur pari ! On fut agréablement surpris de voir se mélanger harmonieusement, dans les différents lieux du Festival, de nombreuses personnalités de l’industrie cinématographique (distributeurs, exploitants, journalistes, réalisateurs, etc) et un important public local (dont la participation augmente chaque année). La programmation, elle aussi, navigue adroitement entre cinéphilie pointue (avec la présence de Pedro Costa, Bulle Ogier, Jacques Rozier, Lorenzo Mattoti) et l’implication de figures ( Lambert Wilson, Bernard Menez, Adèle Haenel) qui peuvent fédérer grand public et spectateurs sourcilleux. Enfin le Festival fut, cette année, le lieu où il a été possible de voir, pour la première fois en France, la plupart des films qui feront l’actualité des deux prochains moins : les nouvelles réalisations de Roman Polanski, de Lucie Berloteau, de Dominik Moll, de Hirokazu Kore-eda , de Roy Andersson et de Noah Baumbach dont Marriage Story eut même droit à une « première française » qui (production Netflix oblige) fut aussi, ainsi que le nota astucieusement le critique Morgan Pokée, une « dernière française ».
Parmi les oeuvres découvertes ici, outre évidemment Vitalina Varela de Pedro Costa (qui, aux dernières nouvelles, n’a toujours pas de distributeur français…), j’eus un gros coup de coeur pour Light of my Life de (et avec) Casey Affleck. Le film raconte les péripéties d’un père et de sa fille luttant pour survivre dans un univers post-apocalyptique où, après une pandémie mondiale, la quasi intégralité des femmes ont succombé de la peste. Rag, la fille du personnage interprété par Casey Affleck, a miraculeusement survécu à la catastrophe et fait, en conséquence l’objet de mille convoitises … Subtilement écrit, magnifiquement interprété, Light of my Life surprend par sa lenteur méditative et son ampleur métaphysique. Surtout, Affleck parvient à articuler – de façon aussi convaincante qu’organique – l’investigation intime (une bouleversante méditation sur le rapport entre un père et sa fille) à une exploration d’enjeux collectifs (climat, santé, etc). Autre belle révélation : Hellhole du belge Bas Devos, portrait à vif d’une ville (Bruxelles) traumatisée par les attentats terroristes. Ce film de se distingue par son refus du sensationnalisme et d’un quelconque prêchi prêcha sur je ne sais quelle nécessaire résilience. Ainsi que par sa capacité à ausculter de manière presque viscérale la psyché d’une capitale européenne prise dans les remous du monde contemporain. Enfin saluons Earth de Nikolaus Geyrhalter, un documentaire qui – tout en étant hyper soucieux des enjeux écologiques – s’intéresse, sans les condamner (ce serait trop facile), à l’activité de ceux qui, en déplaçant des quantités impressionnantes de terre, défigurent à jamais le visage de notre planète.
En somme, mais vous l’avez déjà compris : le Festival international du film de la Roche-sur-Yon est en train de devenir un rendez-vous incontournable pour tous les cinéphiles français.