nemoFitzcarraldo rêvait, dans le film de Werner Herzog, de bâtir un opéra en plein milieu de la jungle. Le fameux capitaine Nemo, autre personnage fou et mégalomane, aurait pu, lui, imaginer un théâtre sous la mer. C’est ce que propose Christian Hecq et Valérie Lesort en adaptant pour le théâtre Vingt mille lieues sous les mers, mythique conte fantastique et scientifique tel que Jules Verne sut les concevoir, pour bercer l’imaginaire des grands enfants. Ce positivisme merveilleux renaît sur scène grâce au couple Hecq/ Lesort et au Français. Le metteur en scène et la plasticienne, accompagnés d’Eric Ruf, qui signe la scénographie et les costumes, ont ainsi récréé sur la scène du Vieux-Colombier, le mythique sous-marin Nautilus. Cet antre du capitaine Nemo où celui-ci s’est réfugié et dans lequel atterrissent les naufragés ébahis et sidérés de ce qu’ils découvrent. Ainsi, le professeur Pierre Aronnax (Nicolas Lormeau), son domestique Conseil (Laurent Natrella) et le harponneur Ned Land (Christian Gonon). Faits prisonniers, les trois compères y découvrent alors un lieu qui suscite la curiosité malgré le danger qui guette. Au coeur de ce sous-marin, qui semble être fait de bric et de broc tout en contenant toutefois aussi une grande bibliothèque, se dévoile la personnalité atypique de son commandant de bord, Nemo interprété par Christian Hecq. 

La mise en scène traduit parfaitement l’imaginaire, le savoir et l’aventure du roman, en y ajoutant l’humour burlesque qu’affectionnent Christian Hecq et Valérie Lesort. Ils s’amusent également à manier ce langage étrange, inventé par Nemo pour parler notamment avec son second Flippos (Françoise Gillard), qui méduse les trois naufragés. C’est l’émerveillement qui est mis à l’honneur en invitant le théâtre de marionnettes et d’objets. Rarement présent à la Comédie-Française, ce théâtre de marionnettes est celui par lequel Christian Hecq et Valérie Lesort sont venus à la scène et se sont fait connaître du public. Les personnages font ainsi face, à travers le hublot du Nautilus, aux ballets des poissons et des méduses, qui deviennent doués d’expressions humaines, quand elles ne sont pas hybrides, telle une araignée de mer ayant pour tête celle de Nemo. Les créatures envahissent même parfois, dans l’obscurité des profondeurs abyssales la totalité de la scène, manipulées alors par les différents comédiens qui se sont formés au maniement des marionnettes pour l’occasion. La belle captation de ce spectacle rend d’ailleurs bien ce surgissement merveilleux des profondeurs de la mer au sein de la vie du Nautilus. À travers le personnage de Nemo, misanthrope ayant trouvé dans la mer son royaume loin des hommes, et son Nautilus, résonne ainsi un hommage poétique aux mystères fascinants de l’océan.