Kiki Smith : américaine, née en 1954, sculptrice. Etroitesse réductrice de l’état-civil. Kiki Smith, dont le petit monde bigarré – Christ, Vierges, sorcière, gargouille, étoiles – peuple les salles spacieuses de la Monnaie, est d’abord une passeuse. Mue par cette insatiable « curiosité » revendiquée en préambule à la visite qu’elle nous a faite, elle touche à tout avec un égal bonheur : bronze, tapisserie Jacquard, porcelaine, argent… Une irrésistible mobilité qui trouve ses sources dans l’expérience de la féminité : flux, liquides, tout ce ruissellement du corps qui, très tôt, l’a intriguée, troublée… D’où cette sculpture de 1993, ce corps évacuant ses humeurs au centre d’un réseau de perles. D’où aussi cette superbe ignorance des frontières et des démarcations : telle figure crucifiée combine un moulage de son corps avec celui d’un homme, et cette Pyre Woman Kneeling (2002), sorcière sur son bûcher, a l’attitude du Christ lançant sa plainte déchirante au Père qui l’a abandonné. Mélange des sexes et des genres, mélange des plans, du terrestre et du céleste : voici ses bronzes (les Sungrazer de 2019) façonnés en comètes ou météorites. Passeuse toujours, mais intersidérale, en plein essor vers le cosmos. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir les deux pieds sur la terre de l’Histoire de l’art : son Annonciation de 2010, cette figure macrocéphale de Vierge androgyne en bronze, est née de son admiration pour une sculpture de Gauguin. Et peut-être faut-il mettre son goût pour les références bibliques sur le compte de cet immense mystère que représente l’aventure chrétienne, la Vierge et le Christ : l’Incarnation. Le passage par excellence, entre le divin et l’humain.
Exposition Kiki Smith, Le 11 Conti – Monnaie de Paris, jusqu’au 9 février