valley of starsLe cinéaste iranien avant-gardiste Mani Haghighi revient avec un sixième long qui se démarque de la production iranienne actuelle, souvent ancrée dans une veine réaliste et sociale. Valley of Stars  – anciennement titré A Dragon Arrives!  – se révèle une oeuvre hors normes, un Objet Filmique Non Identifié, une curiosité grisante, qui déroute. Nous sommes le 23 janvier 1965 au lendemain de l’assassinat du Premier Ministre iranien. Dans les collines désertiques de la vallée des étoiles, située sur l’île de Qeshm, à l’est du Golfe Persique, une Chevrolet Impala orange roule, avec à son bord deux hommes vêtus comme les Blues Brothers. Dès lors, Haghighi nous embarque dans un univers étrange entre polar, film noir, mockumentary,  western et fable surréaliste. Un détective de la police secrète du Shah, un géologue et un ingénieur du son enquêtent sur le suicide suspect d’un exilé politique, pendu près d’un cimetière abandonné où gît la carcasse d’un bateau hanté. Sur cette terre rocailleuse, soumise aux constants tremblements de terre, laissent place à toutes sortes d’histoires et de disparitions inexplicables, nées du folklore iranien. Valley of Stars  s’ouvre ainsi sur un mystérieux meurtre, avec l’interrogatoire de ces hommes enregistré sur cassettes, avant de se transformer en une enquête documentaire avec le réalisateur face caméra, qui narre les origines de cette histoire vraie présumée, pour ensuite bifurquer vers la fable de conspiration surréaliste. Dans ce récit entre fiction, mythe et réalité où passé et présent s’entremêlent, la combinaison peut paraître souvent confuse et surchargée, mais Valley of Stars  reste un objet visuel audacieux, attrayant et original. Le film se nourrit du climat de peur et de paranoïa généré à cette époque par le régime du Shah. Le cinéaste nous sert ainsi un polar à tiroirs avec style et panache, le tout parsemé d’énigmes historiques, culturelles, spirituelles et mêmes sismiques. Car plus le récit et ses sous-intrigues se dévident, moins le mystère se dévoile finalement, à l’image des souvenirs vagues et épars des personnages sur les événements passés. Le cinéaste brouille ainsi habilement les pistes dans ce cocktail de genres qui combine également sauts temporels et flashbacks. Le tempo narratif, la découpe expérimentale, la partition mixant electro et musique traditionnelle iranienne, les décors rétros et les tenues aussi cool qu’excentriques contribuent à rendre ce voyage troublant et énigmatique. Si ces effets tranchent volontairement avec la narration, offrant différents degrés de réalité, Valley of Stars  tient sans doute plus du mysticisme que de l’allégorie politique. Mais qu’importe le sens profond de cette quête de vérité insaisissable, car avec ce nouveau film, présenté au dernier festival de Berlin, Mani Haghighi parvient à ranimer la Nouvelle Vague iranienne des années 1960 dans le cinéma contemporain.