paradis

«Tout Paradis implique l’existence d’un Enfer », cette phrase prononcée par l’un des personnages résume le nouveau long métrage d’Andreï Konchalovsky. Après une vingtaine de films, dont deux populaires aux États- Unis (Tango & Cash, Runaway Train), le cinéaste russe engagé de 80 ans revient avec un sujet fort qui propose un autre regard sur la Seconde Guerre mondiale. Paradis a remporté le Lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise en 2016. Une récompense qu’il avait déjà reçue pour Les Nuits blanches du facteur (2014) après le Grand Prix spécial du Jury pour La Maison de Fous (2002). Si des oeuvres fictionnelles fulgurantes, comme Le Fils de Saul, ont abordé les camps de la mort de manière frontale et viscérale, l’approche du cinéaste se fait ici plus insidieuse et nébuleuse pour un résultat aussi monstrueux. Le titre explore un sujet peu abordé au cinéma : l’« utopie nazie », fondée sur les projets mégalomaniaques d’Hitler qui rêvait d’édifier sa cité parfaite, son Paradis sur terre, en se débarrassant des indésirables et autres impurs. Konchalovsky raconte ainsi le destin croisé de trois personnages confrontés à l’Allemagne nazie qui a entraîné l’extermination de 6 millions de Juifs. Posé, lent, prolixe, Paradis dévoile ses atours de documentaire dans un format carré et un noir et blanc impersonnel, tourné en langue française, russe et allemande. Le récit s’ouvre sur une aristocrate du pays des tsars (Yuliya Vysotskaya) engagée dans la Résistance française, qui se retrouve arrêtée par la Gestapo pour avoir tenté de sauver des enfants juifs. Elle va charmer un fonctionnaire de police français, père de famille dévoué (Philippe Duquesne), qui collabore avec le régime nazi. Mais le rendez-vous va tourner court. Emprisonnée dans un camp de concentration, elle va entretenir une liaison avec un homme (Christian Clauss) qu’elle a jadis connu avant la guerre ; un fils de la noblesse allemande devenu un officier SS fasciné par l’idéologie d’Hitler et sa société de « surhommes ». C’est à travers le point de vue de cette relation, et d’un soldat désabusé (Jakob Diehl) par la dictature du IIIe Reich, que le film prend réellement sens, consistance et tournure. Konchalovsky ne montre pas l’horreur des camps mais ce qui se construit à travers cette galerie de personnages, qui tentent de sauver leur peau en se pliant au pouvoir en place. Chacun va devoir alors répondre de ses actes. La démarche froide de Konchalovsky évite tout aspect mélodramatique laissant l’horreur de l’Holocauste envahir ce Paradis criminel et corrompu.