gout du tapis rougePersonnage à part entière, le tapis rouge du Festival de Cannes a beaucoup d’histoires à raconter depuis soixante-dix ans qu’il voit s’avancer sur ses soixante mètres de moquette, remplacés trois fois par jour, les plus grandes stars internationales. D’Isabelle Adjani boycottée par les photographes, au soutien-gorge en cônes de Madonna, en passant par le sein dévoilé de Sophie Marceau, jusqu’à la robe rouge très fendue de Bella Hadid, autant de glamour, de provocations et de scandales qui régalent le monde et érigent ce tapis rouge au rang de symbole et de mythe.

Des histoires, du rêve et des films, Olivier Servais en regorge donc. Mais pour son troisième documentaire, ce cinéphile, festivalier et cinéaste nous convie plutôt à poser un regard sur l’arrière-plan où d’autres vedettes – les anonymes, les badauds, les gens ordinaires – contribuent eux aussi activement à l’effervescence, venant chaque année, quasi religieusement, prendre place et part dans la grand-messe du cinéma mondial. Ainsi, Servais nous confronte à la déferlante, qui n’émerge pas de cette mer méditerranéenne mais bien de cette Croisette où, durant douze jours, les rêves deviennent possibles. Avec trois types de caméra (appareil photo, go pro, smartphone), ce documentariste capture la frénésie et l’euphorie qui s’en dégagent, partant à la rencontre des « professionnels du cinéma, des travailleurs, des mannequins, des groupies, des artistes de rue, des vendeurs à la sauvette ou des sans-abri ». Mais aussi des nostalgiques d’un Festival jadis plus libre et accessible, pour nous conter face caméra les souvenirs et les impressions suscités par ces vingtquatre marches à gravir, menant au Grand Théâtre Lumière du Palais des Festivals. Immergé dans cet événement médiatique, sous les palmiers frémissants parfois baignés de soleil, Servais montre comment leurs activités s’organisent à partir des structures rigides imposées par les barrières de sécurité, les vigiles, les sections, les accréditations obligatoires. Le Goût du Tapis Rouge connecte et rassemble donc, faisant la part belle aux inconditionnels sur leurs escabeaux, aux photographes indépendants qui capturent l’insolite, aux longues files d’attente et aux attractions diurnes et nocturnes. Contraintes, plaisir et émotion se fondent alors dans cette griserie où s’entremêlent et s’harmonisent les industries du cinéma, de l’audiovisuel et du luxe. Le Goût du Tapis Rouge capte ainsi les différentes identités du microcosme cannois, ce moment à part figé dans le temps et l’espace, où tout un chacun peut croiser naturellement les plus grandes personnalités mondiales du Septième Art. Si pour les journalistes rompus à ces fastes, le documentaire reste en terrain connu, il se laisse néanmoins consommer comme un amuse-bouche attrayant pour accompagner l’ouverture de ce 70ème Festival de Cannes.