gloryUn cheminot trouve sur une voie ferrée une somme d’argent considérable. Il décide de tout remettre aux autorités. Pour le récompenser, l’état offre à ce héros du peuple une belle montre en argent qui ne marche pas. Tandis que la responsable en communication du ministère des Transports égare la montre du cheminot que lui avait donnée son père. Il décide de la récupérer tandis que pour effacer sa faute, la politicienne met en place une vaste campagne pour le calomnier et le faire passer pour un voleur. Débute une guerre sans merci entre les autorités et cet homme simple et sans famille, taciturne, bègue et donc incapable de s’exprimer. Récompensé aux Arcs, Glory part sur un canevas ingénieux qui rappelle autant le combat de David contre Goliath que Crésus, le seul film et chef-d’oeuvre réalisé par Jean Giono : un homme peu instruit trouve de l’argent et ne sait pas quoi en faire. Comme Giono, les deux cinéastes bulgares lorgnent vers la fable : trajet d’un individu face à une réalité plus forte que lui et qu’il ne comprend pas. Le héros ne sait quoi faire de cet argent, il n’en a pas besoin et se montre même plutôt effrayé en le découvrant. Glory est un merveilleux film à l’ancienne, qui tire en douceur, sans effets de manche, sa force très puissante de son récit linéaire, de sa manière de semer sur le chemin de son héros des obstacles toujours plus extraordinaires qui révèlent les liens de compromission de l’état avec la mafia locale. Comme Giono, le film ne manque pas d’humour, notamment dans sa peinture du capitalisme le plus aveugle. Les efforts prodigués par la politicienne pour se décharger de sa faute se heurtent à l’impassibilité du héros. Les deux cinéastes opposent avec rythme, et quelques beaux dialogues, les stratégies du discours le plus roué et ingénieux aux bégaiements et aux silences du héros. Ils opposent également le mépris de la femme d’affaires au désintérêt total de son héros pour elle. La caméra ne s’appesantit jamais avec lourdeur sur les situations. Au contraire, toute en mobilité, elle se promène dans les scènes et les décors d’une Bulgarie à la fois ultra moderne et très rurale, enregistre au passage quelques détails qui font mouche : la manière dont les fonctionnaires courent sans cesse, ne s’écoutent pas, obnubilés par leurs écrans et leurs téléphones. Très virulent à l’égard du système, le film ne manque pas de nuances humaines pour donner aux deux parties une incarnation crédible : aussi détestable soit-elle, la politicienne s’interroge sur la fécondation in vitro et sur les moyens de parvenir à obtenir un enfant, confondant de façon édifiante les moyens et les fins. Le héros est aussi sincère qu’agaçant à force d’être buté. Dans sa dernière partie, la fable se transforme en film noir et les deux auteurs se montrent d’une vraie habileté à orchestrer un final digne des polars les plus sombres.