seule surLes esprits chagrins diront qu’un nouveau Hong Sang-soo, c’est un peu comme un nouveau Woody Allen : on connaît par coeur. Les esprits chagrins ont tort. Car avec Le Jour d’après, Seule sur la plage la nuit marque un tournant dans l’oeuvre pléthorique de HSS. Là où l’indécision amoureuse constituait le ressort de ses histoires, ce sont désormais les conséquences de l’infidélité qui sont au coeur de son cinéma. Explication biographique et minute people : sa rencontre avec Kim Minhee, actrice principale de ses films depuis Un jour avec, un jour sans (2015), a fait scandale en Corée du sud. Tombé amoureux de la jeune femme, il a quitté son épouse. Une affaire privée, certes (pour ceux que ça intéresse, ils vivent désormais ensemble) mais qui regarde le public des salles obscures : ce scandale devient peu à peu la matrice de ses films.

Seule sur la plage la nuit suit en deux temps Younghee (Kim Minhee donc), une jeune actrice coréenne désoeuvrée. La première partie, la plus courte, la montre quelque part en Europe, avec une amie plus âgée, entre discussions en appartement, balade dans un parc et dîner chez des connaissances. Un début où l’on retrouve la patte de HSS, son goût pour la flânerie, ce sentiment de ne pas trop savoir où on va, où l’histoire va. Fin de ce premier segment, comme promis dans le titre, sur une plage, au crépuscule. Et comme toujours, chez HSS, les ruptures dans la narration, les changements (de lieux, de personnages) ont des effets rétroactifs. Ainsi, la deuxième partie, où l’on retrouve l’actrice de retour en Corée, dans sa ville natale de Gangneung, éclairera la précédente d’un jour nouveau.

Elle retrouve de vieilles connaissances. Et l’on apprend que son séjour européen était une forme d’exil temporaire : une façon de s’éloigner du scandale suscité par sa liaison avec un cinéaste. Liaison qui n’a d’ailleurs pas tenu. S’ensuit une longue séance de beuverie (autre « HSS touch ») où elle laisse sortir tout ce que la situation lui a causé de ressentiment, de frustration. La crudité de la diatribe de la jeune femme met d’abord les autres convives mal à l’aise. Mais ils s’apaisent, se laissant même prendre au jeu d’une proposition d’échangisme improvisé (et surtout soft, le point culminant étant un baiser échangé entre Younghee et une autre femme). C’est plus tard, lors d’une autre soirée arrosée en compagnie cette fois d’une équipe de tournage, que le propos du film sera le plus direct. Et pour cause : elle y retrouve ce cinéaste qui fut son amant, avant son départ pour l’Europe. 

Lors de ces retrouvailles, ils s’en tiennent aux politesses de circonstance, avant que s’expriment enfin, à renfort de sanglots, leurs douleurs respectives. Par le biais de ce cinéaste de fiction, c’est bien sûr HSS lui-même qui parle. Plus que Le jour d’après, qui par le milieu littéraire tournait encore autour du pot, Seule sur la plage la nuit se veut à la fois une déclaration d’amour à son actrice et la confession d’un homme infidèle. Cette dimension clairement cathartique en fait un film plus « lourd », moins envoûtant que par exemple le sublime Yourself and yours, mais peut-être décisif pour la suite.