Panay-you« Mythologies » : le mot, dans la bouche de Christodoulos Panayiotou, véritable Protée chypriote (performance, photo, etc.), n’a rien d’empesé, ni de solennel. Ces « mythologies », qu’il déroule comme il a déroulé cette moquette qui feutre nos pas dans une partie de l’expo et qui vient de la grand-messe picassienne, Picasso. Bleu et rose, à Orsay, l’an dernier – ; ces mythologies sont celles de l’invisible, de l’ombre. Tourbillons impalpables de poussières exhalées lors des restaurations des sculptures et qu’il fait adhérer à des surfaces planes comme des tableaux ; recréation, en granit noir, du socle de La Pensée de Rodin, où s’exhibe un énigmatique chiffre tracé à la craie, « 334 », indication hermétique intelligible à ces seuls initiés que sont les insiders de la ruche d’Orsay ; projet de tapis de prière d’Odilon Redon, resté dans les limbes, et dont on ne voit que cette huile sur toile préparatoire : tous ces objets cartographient une zone occulte d’Orsay. Pas un enfer, mais quelque chose comme un purgatoire : tout ce qu’on ne voit pas, qui n’a pas le statut d’oeuvre : résidu ou ébauche, élément mobilier, traces des manipulations techniques… Rien d’iconoclaste là-dedans, rien de duchampien : il ne s’agit pas d’exposer on ne sait quelle inanité de l’art en le réduisant à l’insignifiance ou à des considérations de pure logistique, mais d’en donner à voir toute l’étendue complexe. D’en montrer les ramifications qui ne relèvent pas de la seule esthétique, de recréer ce réseau dense, enchevêtré qui, comme une nasse, entoure une oeuvre, un musée. Bref, pour rester dans la mythologie, de reconstituer un arbre généalogique touffu, qui va de l’ébauche à la poussière.

Exposition LUX S.1003 334, Orsay vu par Christodoulos Panayiotou, musée d’Orsay, jusqu’au 19 janvier

Et aussi : trois lectures performances de Christodoulos Panayiotou, dans le cadre du Festival d’Automne, Dying on Stage, plus de renseignements : https://www.musee-orsay.fr/