brule la merSur fond de barres d’immeubles à la pesanteur figée, écrasante, un jeune homme, Maki, parle. Voix paisible, mots âpres : « il n’y a que l’Histoire des grands qui s’écrit ».  Pas la sienne, pas celle des 25000 autres « harragas » – littéralement, les « brûleurs » de frontières – qui, au lendemain de la révolution tunisienne, se sont embarqués dans une odyssée moderne, triste et familière la fois : Lampedusa, l’Italie, la France. Et cette autre odyssée qui consiste à décrocher les précieux papiers. Brûle la mer fait mieux que raconter cette histoire : il fait de Maki, crédité à la réalisation, l’historien de son propre périple. Commentaires de photos de manifs du collectif des Tunisiens de Lampedusa à Paris ; considérations sur la matière même du temps (« plus doux » en Tunisie, mais parce qu’on y meurt à petit feu) ; flashbacks autobiographiques en super 8 : Maki, via le film, travaille sa propre mémoire. Brûle la mer  est un docu engagé, mais au sens où le sont aussi ceux de Sylvain George : engagés, à travers une forme souvent expérimentale, parfois très belle, dans une expérience subjective.