La FIAC, the place to be en ce début diluvien d’automne, et la preuve, c’est qu’un certain Cédric V. y promenait le chic désuet de son gilet de dandy. La FIAC, poulinière d’édiles ? On ne sait pas, on s’en fiche un peu, tant cette édition 2019 balaye tout l’anecdotique pour remettre au centre ce qui compte, la matière même de l’art : la matière tout court. Chez lelong & Co., le triplet Jaume Plensa (avec une belle tête rêveuse), Fabienne Verdier (trombes de noir sur fond au luisant de laque) et Tapies (immense tableau où la peinture le dispute à l’assemblage) donne le ton : bronze, acrylique, bois, objets incongrus (le coussin de Tapies), tous les coups sont permis. Confirmation chez Perrotin où le poudroiement d’un Hans Hartung de 1987 voisine avec une sculpture de Xavier Veilhan (Manfredi, 2019) en contreplaqué et carbone. Soif jamais étanchée d’exploration des matériaux et de leurs possibilités : chez Kamel Mennour, deux disques colorés d’Ugo Rondinone de 2019 donnent à l’acrylique l’aspect vibrant d’un halo lumineux, d’une perturbation optique.
Nulle exclusive, nul élitisme : chez Kamel Mennour toujours, Neil Beloufa, avec son Big Flowers G, réunit aluminium, cartons d’emballage, et donne à ce qui pourrait n’être que l’écume banale de notre quotidien les prestiges d’une composition en vitrail. Chez Karsten Greve, Pierrette Bloch et ses jeux subtils sur la dilution de l’encre, Pierre Soulages et ses variations d’intensité chromatique, rappellent les infinies déclinaisons dont est susceptible une même teinte. Chez Thaddeus Ropac, un splendide Baselitz de 2019 (Im Takt, aber Leise) fait scintiller son vernis d’or, tandis qu’un grand Rauschenberg de 1990 se déploie sur du laiton, comme si, au même titre que l’encre et les pigments, le métal devenait partie prenante de l’art des peintres. Celui-ci n’abdique toutefois pas la figuration, et le très flashy, très méticuleux, et très grand tableau de Kehide Wiley, chez Templon en est la preuve littéralement éclatante. Chez Templon toujours, Jitish Kallat et ses formes organiques en mutation, Prune Nourry et ses fragments de statutaire féminine monumentale, suggèrent que le corps, le vivant, sont la matière privilégiée des artistes. Et un très beau Adami, sur le même stand, avec un personnage féminin à la chair réticulée – de veines ? du tracé d’un dessin préparatoire ? – prouve que la surface, l’épiderme, recèlent une inépuisable profondeur pour les peintres.
C’est que la matière, peinte ou sculptée, n’est jamais figée, identique à elle-même : elle est en perpétuelle métamorphose. On pense à Giuseppe Penone, chez Marian Goodman où marbre, bronze et branche d’arbre semblent pris dans un mouvement d’identification et de transformation réciproque, au point qu’on ne sait plus très bien qui est qui. Et que dire de l’Australien Brook Andrew, chez Nathalie Obadia, chez qui l’aluminium devient source d’effets optiques toujours changeants ? Métamorphose, là encore, comme si la substance du tableau pouvait revêtir toutes les apparences. Il faudrait aussi parler d’un beau fusain de Man Ray à la Galerie 1900-2000, de Jean-Luc Moulène et Gabriel Orozco chez Chantal Crousel, de Pincemin chez Applicat Prazan… Riche matière que cette FIAC !
FIAC, du 17 au 20 octobre, Grand Palais