serious gamePernilla August, actrice suédoise connue pour son rôle dans Les Meilleures Intentions de son ex-mari, Bille August, et pour celui de la mère d’Anakin Skywalker dans les épisodes I et II de Star Wars, nous plonge dans les affres d’une romance vouée à l’échec pour son second long métrage. Dans A Serious Game, tiré du roman de Hjalmar Söderberg paru en 1912 et déjà porté sur les écrans suédois deux fois, elle s’adjoint les services au scénario de Lone Scherfig, réalisatrice d’Une éducation, Un jour ou encore plus récemment de The Riot Club. Force est de constater que dans cette nouvelle transposition rien n’a la tâche facilitée. August signe un mélodrame d’époque à l’esthétique stricte et classique ; la mise en scène, la bande son au piano et l’esthétique visuelle aux couleurs désaturées restent confinées aux règles conventionnelles du genre. De plus, les personnages esquissés ne sont pas des plus emphatiques. Mais August et Scherfig nous font dépasser cette rigidité formelle pour explorer l’union passionnelle de deux êtres qui va progressivement s’obscurcir dans le Stockholm du début du siècle dernier. L’autre force émane du duo de comédiens qui parvient à exprimer les frustrations et la souffrance de leurs sentiments qui se heurtent à la réalité de l’époque. Arvid (Sverrir Gudnason), jeune journaliste en herbe, et Lydia (Karin Franz Körlof), fille d’un artiste peintre respecté, tombent éperdument amoureux alors qu’ils sont jeunes et libres mais leur condition précaire les contraint à choisir un parti plus fortuné. Pernilla August capture, par des gros plans, leur attirance instantanée, leurs gestuelles, leurs intentions, leurs regards et leur envie de transgresser cette barrière morale imposée par la société scandinave. Malgré leur sentiment inconditionnel, ils prennent des chemins différents, puis se retrouvent des années plus tard de manière fortuite. Si Lydia a épousé un riche aristocrate grisonnant avec lequel elle a eu une fille, la vie familiale d’Arvid semble plus satisfaisante avec une femme attachante et atentionnée. Mais l’absence d’amour dans leur couple respectif les pousse à se revoir secrètement. Leur liaison adultère devient dès lors la quintessence de tout ce qu’ils ont réprouvé, mais s’avère vaine après toutes ces années. Si Lydia demande le divorce perdant la garde de sa fille, Arvid repousse lâchement cette idée. Cet amour consommé, qui les entraîne dans une impasse sentimentale et émotionnelle, fait naître alors chez Lydia le courage d’agir. Elle assume ainsi son émancipation, sortant ainsi du carcan de toutes les héroïnes tragiques de la littérature. Transcendant ce cadre étriqué mais soigneusement reconstitué de la Suède début de siècle, Pernilla August réussit à esquisser l’histoire de deux amants qui finissent par comprendre que dans ce jeu sérieux, nourri d’occasions manquées, la flamme d’autrefois est désormais consumée.