L’expo cinéma à ne manquer ce mois sous aucun prétexte : celle qui aura lieu à la Fondation Pathé autour du fameux photographe de plateau Roger Corbeau.

La Fondation Pathé rend hommage au photographe Roger Corbeau autour d’une exposition de ses œuvres photographiques accompagnée par une généreuse programmation des films qui l’ont éveillé au cinéma (films confidentiels et serials autant que chefs-d’œuvre du muet tels Les Nibelungen de Lang, La Passion Jeanne d’Arc de Dreyer, L’Heure suprême de Borzage ou encore À travers l’orage de Griffith) ; sans oublier Les Sorcières de Salem avec Signoret et Montand et les Duvivier sur lesquels il a posé son œil aiguisé.

Photographe de plateau atypique, il met lui-même en scène les acteurs, n’hésitant pas à déranger le décor et la lumière selon sa propre composition. Corbeau pratique l’art de la recomposition. Ses portraits effacent les sourires cherchant à capter la gravité des comédiens. Pour Le Procès de Welles, il cadre les visages façon « guillotine kafkaïenne ». Né à Hagueneau dans une famille de la petite bourgeoisie juive, son père lui offre son premier appareil photo alors qu’il n’a que douze ans. Fasciné depuis sa petite enfance par les acteurs et surtout les actrices du muet (Lillian Gish, Greta Garbo, Alla Nazimova) auxquelles il écrit de longues lettres tout en collectionnant leurs portraits dédicacés, Roger Corbeau a une idée fixe, travailler pour le cinéma. En 1932, il arrive à Paris et fait ses débuts au cinéma comme habilleur, puis accessoiriste avant de photographier le tournage du Gendre de Monsieur Poirier de Marcel Pagnol (1933). Ses photographies font mouche et Pagnol l’embauche comme photographe de plateau. On le qualifie d’obsessionnel. Passé maître dans l’art du portrait, il affirme : « Un portrait réussi est le triomphe de la nuance, du détail. Nuance de l’expression de l’interprète, détail de son attitude, détail des accessoires qui gravitent autour de lui, nuances et détails de l’éclairage. » (dans Film-Magazine, 1948). Il a saisi dans ses rets tout le cinéma français des années 1930 à 1950 de Arletty à Michèle Morgan en passant par Edwige Feuillère, ses portraits deviennent emblématiques d’une époque. Travaillant auprès de Renoir, Guitry, Baroncelli, L’Herbier. Durant la Seconde Guerre mondiale, en raison de sa judéité, il se cache et prend le maquis. Au retour, ce sera Cocteau, Bresson, Duvivier, Clouzot, Welles et Ophuls. Il lit les scénarios et s’entretient longuement avec les cinéastes comme avec les chefs opérateurs pour fixer dans sa photographie l’univers du film. Génie du noir et blanc et du contraste, il passe à la couleur comme « un acteur du muet à l’arrivée du parlant » et choisit un mélange de teintes acidulées avec un grain qui expose la peau des acteurs et actrices. La blondeur de Brigitte Bardot, pour La Femme et le Pantin, irradie rehaussée par son caraco rouge. Les photographies de Corbeau servent d’argument publicitaire pour vendre les films. Les tirages originaux présentés valent leur pesant d’or.
Une exposition à voir ! Et pour prolonger le plaisir, un très beau catalogue permet d’entendre la voix de Corbeau et de retrouver nombre de ses célèbres portraits.
« L’œil de Roger Corbeau : photographies de cinéma », exposition à la Fondation Pathé du 23 octobre 2025 au 31 janvier 2026. Accompagné du cycle de films muets du 17 décembre 2025 au 3 février 2026. Un catalogue rend compte de l’exposition.









