Teens movie de qualité, Kokon dépeint une bande de jeunes filles, entre amour et souffrance.

« Les arbres sont si secs qu’on les arrose à grands seaux. Notre peau si brûlée qu’elle pèle. Nous muons, fuyons à la piscine et sortons ratatinés par l’eau chlorée. Chez nous, à Kottbusser Tor, tout est encore plus bruyant, puant, collant. » Sous forme d’un journal filmé, Nora (Lena Urzendowsky) se raconte et nous raconte son été 2018. La saison des amours estivales devient éveil des sens pour cette toute jeune adolescente en quête de nouveauté. Nora découvre, l’espace d’un été, l’amour et ses souffrances dans les bras de Romy (Jella Haase). Kokon de Leonie Krippendorff est un teen movie qui s’arrête sur des corps à huiler, une méduse irisée en forme de sac plastique au fin fond de la piscine, un pantalon taché par les premières menstrues, une main aux os brisés, comme autant d’éclats rythmant le parcours de Nora vers l’âge adulte. De longs travellings suivent les nuques adolescentes, les corps de filles très court vêtues qui déambulent dans des couloirs du lycée, dans les rues, s’engouffrent dans des vestiaires. Si la jeune cinéaste allemande ne renouvelle pas la forme du teens movie, elle s’y glisse avec aisance, interrogeant le rôle de la famille, l’omniprésence des réseaux sociaux dans la vie de ces jeunes, aussi bien que les diktats d’une minceur idéale imposée à leur imaginaire. Entre rites de passage et appropriation de l’espace, le film suit Nora, sa grande sœur Jule (Lena Klenke) et son amie Ayla. Au cœur d’une ville anesthésiée, l’enfant Nora quitte ses oripeaux, fait peau neuve et s’émancipe. Au lycée, on confie à quelques volontaires, filles et garçons, un baigneur pour « faire comme si » on avait un bébé à charge à seize ans. Comment s’en occuper ? La réponse va de soi, se faire aider par la famille. Jule s’applique, essaie de jouer le rôle maternant qui lui a fait défaut puis un soir de fête, elle confie le « bébé » à sa mère et le retrouve hurlant sur son lit, affamé. Elle craque et veut l’étouffer. Les larmes qui coulent sur ses joues sont davantage destinées à la petite fille délaissée qu’elle a été qu’à son impuissance devant le poupon. Elle les offre aussi à cette fille-mère, trop enfant, incapable de remplir le frigot, qui passe ses nuits au bar du coin et refuse de se lever pour déguster le petit-déjeuner que ses filles ont préparé exprès pour elle, le jour de son anniversaire. Une mère abandonnée par le père qui n’a pas su s’épanouir, ni s’occuper d’elles. Les codes, les normes, les cadres, Nora cherche à tout exploser pour devenir elle-même loin des modèles qui l’entourent ; elle cherche à s’inventer, se libérer, aimer les filles plutôt que les garçons. La lumière douce et scintillante qui enveloppe Berlin de chaleur prépare son cocon à s’ouvrir. Car Kokon est l’histoire d’une mue, d’une chenille qui s’efforce de briser son bocal pour devenir papillon et prendre son envol, dans cette grande ville statique, rythmée par les fêtes arrosées, les sauts dans des piscines bleu lagon et les jeux idiots auxquels sa sœur et ses amis s’adonnent. Les actrices nous communiquent leur énergie et leur force vitale débordante. Un film d’adolescence solaire et poignant.

Kokon de Leonie Krippendorff, avec Lena Urzendowsky, Lena, Klenke, Jella Haase, Outplay films, sortie le 5 avril

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