Pour leur sixième collaboration avec l’Opéra-Comique, Valérie Lesort et Christian Hecq, porte au plateau La Petite Boutique des horreurs, comédie musicale adaptée du film américain de Roger Corman. Une distribution prometteuse, dont l’excellent Marc Mauillon, met en haleine. Un vent de Broadway souffle sur Paris !

Après s’être frotté au baroque avec Ercole Amante de Cavalli, à l’Opéra-comique et à l’opéra-Bouffe, avec La Périchole d’Offenbach, mis en scène en solo par Valérie Lesort au printemps dernier, le couple infernal s’attaque cette fois à la Comédie musicale en s’appuyant sur la version française d’Alain Marcel de La Petite boutique des horreurs créé à Broadway en 1982. « J’avais depuis longtemps envie de m’essayer à ce genre très particulier, explique l’artiste plasticienne. C’était un rêve d’enfant. Je trouve l’univers fascinant tant il mélange les styles, les formes. Mais ce n’est pas un choix de notre part. C’est une commande que nous a faite Olivier Mantei, quand il était encore directeur du lieu, sur une proposition du chef d’orchestre Maxime Pascal, arrivée à point nommé. » L’univers gore et fantasmagorique ne pouvait que plaire à Christian Hecq et Valérie Lesort. Tous les éléments étaient réunis pour lâcher la bride à leur imagination délirante. Il n’y a qu’à voir la fleur veinée de rouge aux faux airs d’Alien qui émerge inquiétante derrière le décor en construction de la Boutique, pour nous en convaincre. « Si ce n’est pas un choix de notre part, souligne espiègle, le 525e sociétaire de la Comédie-Française. Nous avons bien décidé de l’accepter. C’était même une évidence. L‘histoire de cet employé malmenée par son patron fleuriste, qui cultive en secret une plante exotique, dont la caractéristique principale est d’être carnivore, nous a séduits. Très vite, nous avons vu comment plastiquement, visuellement, nous pourrions utiliser les arts qui sont nos sources d’inspiration, comme l’est celui de la marionnette. C’était très excitant. »

S’entourant de la même équipe d’artistes et de techniciens, Valérie Lesort et Christian Hecq s’attèlent à la tâche. À trois semaines de la première, les deux artistes sont sur tous les fronts ; costumes, maquillages, décors, mise en espace. S’attachant toujours à offrir au spectateur une œuvre très plastique, ils puisent dans un imaginaire où se conjuguent habilement l’ordinaire et le fantastique. « Je crois que c’est notre manière de nous exprimer, assure la metteuse en scène. On cherche l’un et l’autre dans ce que l’on sait faire. Christian met en avant tout le travail qu’il fait sur le corps, qui peut s’apparenter à de la danse, et pour ma part, mon identité de plasticienne n’est jamais loin. On accorde nos talents, assemble nos arts. On se nourrit l’un de l’autre, de nos échanges. On parle de nos doutes. On réfléchit en avançant ensemble. Il y a une émulation permanente entre nous, afin de rendre le plus clair possible l’histoire que nous portons au plateau. »

La grande force du duo, qui affleure dans les quelques éléments présents en salle de répétitions, c’est la manière dont ils s’approprient une œuvre dans laquelle tout est déjà écrit ,le théâtre, la musique, la mise en scène et même l’utilisation de marionnettes. « L’important, confie Christian Hecq, c’est d’arriver à passer entre les lignes, d’instiller par-ci, par-là notre patte, d’amener l’ensemble à l’endroit précis que nous souhaitons, : féerique, esthétique. » « L’histoire se passe à New York, poursuit Valérie Lesort, mais nous ne voulions pas que tout soit connoté Amérique – petites briques rouges, escalier de secours, etc. Nous sommes donc partis sur un univers onirique à la Hopper matinée d’une atmosphère effrayante. » Entremêlant avec ingéniosité humour, tragédie, réalité et fiction, le duo s’amuse du réel, le transcende, croque avec une belle dérision, les tares des personnages auxquels il donne vie. Jamais manichéens, Valérie Lesort et Christian Hecq font de l’humain leur terrain de jeu. « Sur scène, c’est un peu plus exacerbé, mais c’est comme dans la vraie vie en somme, concluent-ils à l’unisson. » 

La petite boutique des Horreurs d’Alan Menken sur un texte d’Howard Ashman. Adaptation française d’Alain Marcel. Nouvelle orchestration d’Arthur Lavandier. Direction Musicale Maxime Pascal. Mise en scène, Valérie Lesort et Christian Hecq. Opéra-Comique, du 10 au 25 décembre.