À la tête de l’Orchestre National de Lille, depuis 2016, Alexandre Bloch va diriger Le Chant de la Terre de Mahler.

Quand avez-vous décidé de devenir chef, et avez-vous des modèles ?

Ma mère étant pianiste et harpiste et mon père corniste, j’ai baigné dans la musique et joué du violoncelle, dans des orchestres de jeunes, bien avant d’imaginer devenir chef. Ce qui m’a décidé, ce sont les classes d’analyse et d’harmonie : j’ai compris que j’avais envie d’entendre certaines choses et que, pour cela, il fallait prendre la place du chef. Jean-Marc Cochereau m’a mis le pied à l’étrier et Zsolt Nagy m’a donné une belle boîte à outils. Je ne dirais pas que je n’ai rien appris en étant, ensuite, l’assistant de Salonen, Dutoit ou Haitink mais je ne suis pas dans la culture des modèles ou des mentors.

Aucun chef du passé ne vous fascine ?

Ça m’aurait plus de rencontrer Bernstein, pour son côté humain, généreux, chaleureux. Quand je dirige un concert avec un soliste, j’aime aller boire un café avec lui, sentir comment le feeling va passer, avant même la première répétition. 

Vous avez dirigé aussi bien des œuvres de George Benjamin que de Thierry Escaich. Lequel aimez-vous vraiment ?

En tant qu’interprète on doit avoir une palette étendue. J’ai beaucoup appris d’Escaich. Le fait de connaître l’homme derrière le compositeur m’a aidé à diriger sa musique. Idem pour Benjamin dont le style est radicalement différent. Ce qui compte, c’est ce que l’on va impulser dans une partition, pas son esthétique.

Vous avez donné les symphonies de Mahler avec Lille et jouerez bientôt son Chant de la Terre. Cette intégrale était-elle importante pour l’orchestre ?

Oui, son niveau collectif d’exigence s’est hissé depuis ce cycle qui a exigé le recrutement de chefs de sections, des répétitions partielles pour travailler le son. Les orchestres français ont une grande clarté et des solistes virtuoses, ce qui leur permet d’exceller dans Ravel, Debussy, Stravinski ou Bartok mais il a fallu en passer par Haydn pour développer une spontanéité, une véritable complicité des musiciens dans le travail des nuances, créer une qualité chambriste impossible à obtenir, d’emblée, avec un vaste effectif orchestral. Il a également fallu travailler les symphonies de Brahms, pour créer une pâte sonore avec les cordes, avant d’aborder Mahler. Le fait qu’il était à la fois chef et compositeur, transparait dans sa manière novatrice d’orchestrer, pouvant susciter l’incompréhension ou le rejet, mais très précise, du point de vue de la notation, montrant qu’il savait très bien ce qu’il faisait. Ce qui ne veut pas dire que c’est facile à réaliser mais, une fois les difficultés surmontées, on trouve sa propre signature, aussi bien le chef que l’orchestre, et cela rejaillit sur tout ce que l’on joue. Il est d’autant plus excitant de revenir à Mahler, deux ans après ce cycle, que l’orchestre a accueilli de nouveaux musiciens, développé une complicité encore plus forte par le biais des tournées, et travaillé en profondeur le répertoire viennois, de Mozart à Strauss en passant par Schoenberg dont nous mettrons la Symphonie de chambre n°1 en regard du Chant de la Terre. 

Le Chant de la terre. Orchestre National de Lille. Dir. Alexandre Bloch. Dame Sarah Connolly, mezzo-soprano. Toby Spence, ténor. Auditorium du Nouveau Siècle de Lille, 8 décembre