Pour son soixante-quinzième anniversaire, le festival d’Aix-en-Provence mise sur le théâtre lyrique et les grands noms de l’opéra et du théâtre contemporain : Thomas Ostermeier, George Benjamin ou Simon Rattle.

C’est un festival inédit qui semble se profiler pour l’année 2023 : théâtre lyrique, cinéma, opéras version concerts, autant de formes qui s’installent à Aix et promettent d’un faire un lieu de renouveau. Pierre Audi, pour la dernière année de son premier mandat en tant que directeur du festival, relève ainsi le défi de ce festival qu’il conçoit, a-t-il expliqué au cours de la conférence de presse de présentation, comme « un lieu d’avant-garde qui, pour survivre, doit chaque année se renouveler ». Dans le contexte d’inflation qui touche tous les secteurs de la culture, ce choix d’une programmation audacieuse peut être salué.

Pour découvrir la programmation, nous étions au huitième étage de la Comédie-Française, accueilli par Eric Ruf, et ce n’était pas un hasard. Car la création d’ouverture d’Aix sera cosignée par le Français. L’Opéra de quat’sous marque l’entrée dans le lyrique de Tomas Ostermeier, metteur en scène camarade du Français, et de certains sociétaires, comme Véronique Vella, Elsa Lepoivre ou Christian Hecq, choisis, notamment, pour leurs talents musicaux. Promesse d’un spectacle très brechtien, « J’ai été formé à l’école de Brecht, à Berlin-est, raconte Thomas Ostermeier, j’ai donc conçu vis-à-vis de son théâtre une relation amour/ haine qui sera intéressante je crois ». Mais la création sera aussi foncièrement musicale, puisque l’incontournable Maxime Pascal dirigera une nouvelle adaptation française de l’œuvre de Kurt Weill. A voir donc un Brecht à la française, à Aix, puis à la Comédie-Française. 

Le retour de George Benjamin

Autre création qui aiguise la curiosité, Picture a day like this, création mondiale de George Benjamin sur un livret de Martin Crimp. Personne à Aix n’a oublié le succès de Written on skin créé il y a dix ans au festival, à tel point que Benjamin, raconte Pierre Audi, « fut le compositeur que j’appelais une heure après avoir été nommé directeur du festival ». Mais là, Benjamin collabore avec le très grand auteur dramatique Martin Crimp : leur première collaboration commune, Into the little hill,  petite forme lyrique d’une subtilité et d’un envoûtement constants, témoignait déjà d’une profonde connivence. La présence de Marianne Crebassa sur scène est enfin une autre gageure de la beauté de ce spectacle. 

Eternel Wozzeck

Mozart cette année sera décliné en Cosi fan tutte. Dimitri Tcherniakov voudra en faire un couple traversant une « midlife crisis ». Oter la jeunesse à Cosi, un pari risqué, mais à voir, surtout sous la direction de Thomas Hengelbrock. Notre dernière véritable attente porte cependant le nom d’un pauvre soldat qui a tué sans bien savoir pourquoi, une femme qu’il désirait sans bien savoir comment ; Wozzeck d’Alban Berg revient à Aix. Et avec Pierre Audi, nous applaudissons ce choix de ce qu’il qualifie du « plus grand opéra écrit au XXe siècle ». La distribution est éclatante : sous la direction de Simon Rattle, Christian Gerhaher s’empare du rôle-titre et Malin Byström de la pauvre Marie. Simon Mc Burney mettra en scène cet opéra de la folie d’un homme, et d’une époque. 

D’autres créations seront à découvrir, dont, au stadium de Vitrolles, un spectacle autour de Stravinski fondé sur la collaboration de cinéastes avec l’orchestre de Paris dirigé par Klaus Mäkelä : Rebecca Zlotowski nous a fait part de son rapport très personnel à L’Oiseau de feu. Bref, le désir est là, avant de découvrir la nouvelle édition de ce festival qui fut en 1948 fondé comme un « festival Mozart », et qui est devenu aujourd’hui un lieu central de la création lyrique, et de ses audaces. 

Festival d’Aix en Provence, du 4 au 23 juillet. Informations et programmation en suivant ce lien.