Depuis C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde(2015), les Filles de Simone (Chloé Olivères, Tiphaine Gentilleau et Claire Fretel) réalisent des autofictions féministes. Derrière le hublot se cache parfois du linge promet d’être une jubilatoire dissection du couple hétéronormé. 

Cela devrait être un espace magique, empreint de sérénité, m’expliquent-elles. Et pourtant, les Filles de Simone me l’affirment en ce petit matin d’automne lugubre, ce n’est pas parce qu’un problème a été rabâché mille fois qu’il est résolu. « Même en étant féministe, le couple hétérosexuel est un endroit où il demeure très difficile de faire changer les choses, à moins de vivre dans une guérilla permanente ». Cet espace en crise, les Filles de Simone, dont le travail croise l’intime et le politique, l’interrogent dans Derrière le hublot se cache parfois du linge. Un « couple témoin », en pleine thérapie, y rejoue ses « scènes de ménage » devant son thérapeute (le public) et chez lui. Deux sphères (publique et privée) pour des « jeux de rôles » assignés dès l’école. « Des sociologues montrent que dès la cour de récréation, explique Claire Fretel, les petits garçons comparent le pouvoir de leurs cartes Pokémon tandis que les petites filles organisent des mariages ». Une répartition dans laquelle rapidement les femmes sont « éduquées à faire ce qui les asphyxie » tandis que les hommes apprennent à considérer l’amour de façon hautaine… Pour interpréter la vie hétérosexuelle et ses réjouissantes disputes domestiques bien patriarcales avec elles, les Filles de Simone ont convié André Antébi.  « On a évidemment choisi un comédien sensible à ces questions. Et ce n’était pas forcément facile d’être le seul homme », souligne avec finesse Claire Fretel. Car en ces temps de manichéisme, si les Filles de Simone dénoncent des injustices avec une ironie mordante, qui se nourrit aussi bien de Grease et des Simpson que de Feydeau, elles refusent d’être donneuses de leçon. « On utilise l’humour, l’auto-dérision », souligne Tiphaine Gentilleau. Un parti pris que l’on retrouve dans les lectures qui ont nourri l’écriture. Des essais (Simone de Beauvoir, Manon Garcia) mais aussi deux bandes dessinées de Liv Strömquist, Les sentiments du Prince Charles et La rose la plus rouge s’épanouit. Pour écrire, les Filles de Simone et André Antébi se sont livrés sur leurs expériences de vie en couple. « On avait l’impression d’être des petites souris dans la tête de l’autre », affirme Claire Fretel. Tiphaine Gentilleau a, quant à elle, été saisie par une impression de déjà vu et déjà vécu, « comme si les scènes étaient déjà écrites dans le « grand livre de l’hétérosexualité », on pouvait anticiper les réponses de l’autre dans les scènes qu’on se racontait ». Des jeux de rôles et des assignations de genre dont il est difficile, mais nécessaire, de sortir. 

Derrière le hublot se cache parfois du linge, par les Filles de Simone, au Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjan, du 9 au 16 novembre, La Ferme du Buisson, du 24 au 27 novembre, Le Monfort Théâtre, 10 au 21 janvier 2023