Avec l’ambition affichée d’y faire s’éprouver nos « humanités », la deuxième édition du Grand Ouest Festival au Quai d’Angers se distingue par des spectacles forts. Parmi eux, De l’une à l’hôte interroge avec finesse l’acte d’hospitalité.

Parmi les seize propositions du «Go Fest» comme on dit à Angers (théâtre mais aussi danse, performance, cirque et musique y sont présentés pendant dix jours), De l’une à l’hôte, qui fut créé au festival d’Avignon en 2021, est certainement l’une des plus stimulantes, intellectuellement et humainement. C’est un duo constitué de Violaine Schwartz (qui a écrit le texte) et de l’acrobate-danseuse argentine Victoria Belén. Mais le spectacle commence dans la salle où s’expriment quarante témoignages disséminés. Des actions, des gestes du quotidien perpétrés par des citoyens ordinaires : apporter des viennoiseries de sa boulangerie à des migrants, héberger un adolescent sans papiers, offrir une paire de basket à un autre… nous voilà dans le vif du sujet. Que nous est-il donc arrivé pour que ce qui semblait si banal à nos ancêtres devienne notable ? La scène est nue, exception faite d’une chaise, dont le siège est un planisphère aux couleurs délavées. Derrière, Victoria Belén, dont on ne voit d’abord que les pieds, qui se posent sur les épaules puis le visage de Violaine Schwartz. Cette dernière, campée sur sa chaise, totalement indifférente à ce corps qui finira par l’escalader, se livre à une conférence sur l’hospitalité. Elle nous rappelle, entre autres, la polysémie du mot hôte qui désigne à la fois « celui qui donne et celui qui reçoit ». C’est bien de cela qu’il est question. Car si les artistes, endossent « logiquement » les rôles de bénévole ou de postulante à la nationalité française, la situation – souvent ubuesque – s’inverse lorsque la danseuse acrobate argentine se met à parler en espagnol (non surtitré). C’est au tour de la conférencière d’être égarée, tandis que « l’autre », l’étrangère pleine de grâce, petit elfe à la force tellurique, se révèle. La représentation est suivie par la projection de deux courts métrages de Sébastien Thiéry, co-fondateur de l’association PEROU « Pôle d’Exploration des Ressources urbaines » : Nous nous déclarons chantier naval inlassable et permanent (2022) et Considérant qu’il est plausible que de tels évènements puissent à nouveau survenir (2013). Ces films ont pour vocation de montrer eux aussi des actes d’hospitalité. Comme un écho au spectacle proprement dit, De l’une à l’autre, dont les textes testimoniaux proviennent d’un recueil «d’archives au présent»: des actes d’hospitalités recensés par PEROU. La démarche singulière et forte de cette association, consiste donc à recenser des témoignages d’hospitalité vive. Telles que la construction d’une école dans un camp de roms de la banlieue parisienne, ou celle d’un navire « Avenir » pour secourir les migrants en Méditerranée. Marquantes aussi sont les interventions des spectateurs invités à débattre avec les artistes et Sébastien Thierry. Et tandis que certains reconnaissent leur sentiment de désarroi, que d’autres témoignent de leurs actions petites et grandes, s’affirme, dans la nuit angevine, la nécessité fulgurante et fragile d’écouter l’hôte. 

  Grand Ouest Festival, le Quai, Angers, jusqu’au 15 octobre. Plus d’infos sur www.lequai-angers.eu