Doit-on s’emparer du passé pour se construire en tant que jeunes adultes ? C’est l’une des délicates questions soulevées par Àl’Ouest. Cette chronique familiale sur le deuil et la mémoire est la nouvelle création de Bajour. 

Il y a des choix surprenants. Alors qu’on imaginerait qu’au terme de trois années dans la même école de théâtre, on rêve de tenter sa chance hors du premier giron, huit jeunes comédiens du TNB ont décidé de continuer ensemble. Et donnent le jour à Bajour. Un collectif joyeux, harmonieux, qui aime raconter des histoires ensemble. « On a vécu l’école très fort, c’était très difficile de quitter le groupe constitué par Éric Lacascade », explique Leslie Bernard, l’une des membres du collectif. Comme une famille ? Matthias Joquin, qui co-signe avec elle la mise en scène de cette nouvelle création, répond du tac à tac. « C’est vrai qu’on ressemble pas mal à une famille dans le sens où on ne s’est pas choisis et où on ne serait peut-être jamais devenus amis si on avait eu le choix ! » La famille justement (déjà présente dans Un homme qui fume c’est plus sain) est au cœur de leur nouvelle pièce. À l’Ouest met en scène une fratrie endeuillée et hantée par la mort de deux d’entre eux, dans l’incendie de la maison parentale où les enfants, devenus adultes, étaient revenus vivre. « La mémoire nous parlait pour des raisons personnelles. Cela permettait d’aborder des difficultés que l’on peut avoir à se construire en tant que jeunes adultes » raconte Leslie Bernard. Cette histoire intime et douloureuse, ils l’inscrivent dans un contexte social et politique difficile. On imagine bien que des thèmes aussi forts ont de quoi inspirer de jeunes acteurs. Trop ? Ils affirment que non. Tous veillent à ne pas se laisser déborder par les drames personnels et l’imagination dans l’écriture. Mais ils s’écoutent. Et se retrouvent à l’issue de chaque journée de travail pour des réunions : « on met les propositions de chacun sur un tableau et on regarde si ça fonctionne. On a envie de raconter des histoires, avec un début, un milieu, une fin. C’est du dialogue et de la connivence » explique Leslie Bernard. La trame de ces histoires est proposée par les metteurs en scène, qui suggèrent des canevas aux acteurs, qui improvisent. L’écriture est « prise en charge dans un aller-retour permanent » poursuit Leslie Bernard. Le plateau nous dit ce qui fonctionne ou pas ». Un processus qui selon Matthias Jacquin se révèle un atout : « c’est difficile de jouer faux avec les écritures de plateau. L’acteur y est créateur de sa partition, il y met des choses intimes. C’est un investissement plus fort et souvent une catharsis puissante aussi ». En découle un autre parti pris cohérent : imaginer des mises en scène et des scénographies épurées pour laisser la part belle aux comédiens. Avec une énergie sensible et galvanisante pour faire face à la gravité. 

À l’Ouest de et avec Leslie Bernard, Julien Derivaz, Julie Duchaussoy, Matthias Jacquin, Hector Manuel, Asja Nadjar / Adèle Zouane, Georges Slowick, Alexandre Virapin. Mise en scène Leslie Bernard et Matthias Jacquin. Théâtre Public de Montreuil, du 10 au 27 octobre.