Chez Tamenaga, Lorenzo Fernàndez, conjugue avec génie la manière des maîtres flamands et le rendu de la photographie contemporaine. 

Tant de préciosité, d’application et de virtuosité technique valent bien une heure, une journée, voire peut-être une vie de recueillement devant chaque tableau de Lorenzo Fernàndez. Une touche si fine, au glacis si léché, qu’elle semble appartenir à un autre temps, celui de Van Eyck ou de Willem Kalf, ce peintre de l’Age d’Or hollandais justement cité par Damien Aubel dans sa préface au catalogue de l’exposition, dont la plume savoureusement baroque, bien connue des colonnes de Transfuge, se délecte des exceptionnels rendus de matières, maîtrisés à la perfection par le peintre espagnol. Souvenez-vous de ce lustre somptueux des Epoux Arnolfini, de cette coupe au nautile nacré présentant à l’œil gastronome son renflement infiniment luisant. « Depuis que j’ai appris le métier de peintre-décorateur à l’âge de 14 ans, mon obsession était d’imiter par la peinture des matériaux tels que le bois, le marbre, le bronze » explique l’artiste. Et, en effet, notre œil est servi, il est même dérouté ! Le métal d’un boulon, le marbre d’un support de lampe, le carton d’une boîte d’allumettes, le plastique d’une bouteille de Coca-Cola, le bois peint de jouets d’antan, jusqu’à la pâte gélatineuse de bonbons Haribo et à la matité de bocaux de peinture. Toutes ces matières, dans les moindres détails, présentent leurs aspérités, leur aspect veiné ou brillant, leurs plis et leurs reflets, plus vrais que nature, au point qu’on serait tenté de les saisir. Elles se côtoient dans d’énigmatiques mises en scène d’objets domestiques, compagnons silencieux du peintre qui peuplent son atelier. On y reconnaît les vestiges décolorées. Deux mondes se regardent et sous leurs airs sages et raffinés, les singulières natures mortes de Lorenzo Fernàndez questionnent le passage du temps et la vanité des hommes, non sans ironie. « Je pose des énigmes visuelles, comme celles qui étaient imprimées dans la section passe-temps des vieux journaux du début du XXe siècle. Des hiéroglyphes optiques qui répondent à des questions magiques et existentielles dans un espace de réflexion vide ». Le huis-clos créatif du peintre, qu’il ne quitte presque jamais, est une ascèse désirée, le lieu d’un enchantement intérieur, qui ne dépasse jamais les murs de l’atelier, ceux-là servent d’ailleurs souvent d’arrière-plan à ses tableaux. Approchez-vous, vous croirez longtemps que ces huiles sur aluminium sont des photographies. Images spéculaires dans lesquelles vous surprendrez peut-être votre reflet. « Il y a une vérité absolue qui donne un sens à mon travail, cette vérité est de recréer une fiction, une tromperie picturale, un piège pour l’œil » nous dit-il. Piégé, oui, complètement, et profondément séduit.

Lorenzo Fernàndez. Galerie Tamenaga. Du 6 au 29 octobre. tamenaga.com