La jeune metteure en scène poursuit son exploration des dramaturgies britanniques contemporaines, en s’attaquant au Firmament de Lucy Kirkwood. Rencontre.

Derrière un abord timide, la quarantenaire garde de son enfance un sens de la mélodie très pointue, qui se retrouve dans sa manière de faire résonner les textes qu’elle met en scène. « Enfant, dans la petite ville, où j’ai grandi, je jouais beaucoup de musique classique. Très longtemps, j’ai cru que c’était ma vocation. Puis, au lycée, j’ai eu des doutes. J’ai finalement choisi option théâtre. » 
Études terminées, elle monte à Paris, intègre le Conservatoire en 1999 et en sort trois ans plus tard. « Je voulais vraiment être actrice. J’aimais beaucoup jouer, mais je n’arrivais pas à lâcher-prise. Même sur scène, j’avais toujours besoin de me mettre en retrait, d’avoir un regard extérieur et exigeant. Souvent, quand on bossait à plusieurs, ou en collectif, et qu’il y avait besoin de mettre en espace, je m’y collais. Mais ce n’était pas ma vocation, en tout cas, je n’en avais pas conscience à l’époque. »  Les années passent. Au CDN de Lorient, elle anime régulièrement des ateliers à destination des jeunes et des amateurs, notamment autour d’écritures contemporaines, continue à jouer en parallèle, met en scène en dilettante. Travailler avec Joël Jouanneau va tout changer. « Avec lui, j’ai commencé à appréhender les textes, comme des partitions de musique. Il m’a donné envie d’aller plus loin, de passer de l’autre côté, d’être aux manettes. » Après avoir fondé avec le comédien Sébastien Éveno, la compagnie Hors-limite, elle monte Orphelins de Dennis Kelly en 2014, qui dans la foulée obtient le prix du Festival Impatience. C’est le début d’une belle histoire avec le dramaturge britannique, dont elle adapte deux autres textes, L’Abattage rituel de Gorge Mastromas en 2017 et Boys and girls en 2020. 

Cette mélomane s’intéresse à l’écriture très scandée de Jean-Luc Lagarce, dont elle présente, en 2018 au Français, sa version épurée de J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne. « Quand je lis, j’entends le rythme, le son des phrases. Je visualise les scènes. Assez vite, lorsque je suis touchée par un texte, que ce soit par l’écriture ou par ce qu’il raconte, une distribution me vient en tête. N’écrivant pas, je me laisse porter par les mots des autres, je leur donne vie. »

Chloé Dabert, devenue en 2019 directrice de la Comédie de Reims, continue à explorer à travers ses mises en scène, le monde qui l’entoure. « Très attachée aux dramaturgies anglaises, à leur côté très technique, très exigeant, mais aussi très populaire, j’ai été intriguée par le travail de Lucy Kirkwood, dont la dernière pièce, montée à Londres en 2020, réunit 13 comédiennes au plateau. Partant d’événements réels, l’obligation dans l’Angleterre du XVIIe siècle de réunir un jury de femmes pour vérifier si une femme condamnée à mort, déclarant être enceinte pour éviter la potence, l’était vraiment, parle de sexualité, de maternité, de condition féminine. « Touchée par son écriture concrète, l’envie de l’adapter en français a été une évidence. Je m’y suis donc attelée.» 

Le Firmament de Lucy Kirkwood, mise en scène de Chloé Dabert. 104, du 28 septembre au 8 octobre.
Comédie – CDN de Reims, du 14 au 20 octobre. Théâtre Gérard Philipe, CDN Saint-Denis, du 9 au 19 novembre