Alice Winocour met en fiction les attentats de novembre 2015 auxquels son frère a survécu. Revoir Paris, superbe film de reconstruction, entre réalisme, mélodrame sec et fantastique.

L’ouverture de Revoir Paris est superbe : un plan par la fenêtre d’un appartement en étage élevé dévoile le panorama des toits de Paris par une journée ensoleillée. À l’intérieur de l’appartement, un couple (Mia/Virginie Efira, Vincent/Grégoire Colin) se prépare pour démarrer une matinée ordinaire. Ce n’est pas spoiler ce nouveau film d’Alice Winocour que de dire que cette journée radieuse sera tout sauf ordinaire : un attentat ensanglante la capitale et cet événement brutal survient assez tôt dans le film. Car si la fusillade dans une brasserie est filmée avec maestria, précision et juste distance par Winocour, ce n’est pas la violence terroriste qui intéresse la cinéaste, mais l’après : comment les survivants gèrent pareil traumatisme.

Winocour est elle-même proche de ce cercle de l’enfer : son frère était au Bataclan le 13 novembre 2015 et elle était en lien avec lui par textos pendant le massacre et juste après. On comprend à quel point ce film lui était nécessaire. Car l’après de pareil événement est une interzone que chaque victime ressent différemment. Cela va du refoulement aux cauchemars permanents, du déni à la recomposition aléatoire de l’événement, du désir de vengeance à la soif de justice, de la blessure physique à la plaie psychologique béante, de l’impossibilité de rebondir à « ce qui ne te tue pas te rend plus fort ». Winocour accompagne Mia dans ce parcours tortueux à travers le labyrinthe de la mémoire flottante et du flou du comment et du pourquoi de pareille situation, dans un beau mélange de réalisme et de fantastique peuplé de fantômes. Après être partie en convalescence chez sa mère à la campagne pendant quelques semaines, Mia revient donc à Paris pour reconstituer avec précision un événement devenu flou en raison de sa brutalité, de son surgissement inattendu et de la sidération qu’il a engendrée, pour le comprendre et mieux parvenir à se reconstruire. Elle trouve un allié en Thomas (Benoît Magimel), éclopé de l’attentat qui rappelle les corps en souffrance des précédents films de Winocour. Mia revoit Paris, ses quartiers mélangés et ses diverses strates sociales de la bourgeoisie aux clandestins, mais aussi sa vie, son couple, ses priorités, et le verbe revoir devient synonyme de reconfigurer, de réinitialiser, de repartir à zéro. Pour ce faire, elle recherche particulièrement l’aide-cuisinier africain de la brasserie qui l’a protégée décisivement pendant la fusillade. Et là, pas question de spoiler si ce n’est pour dire que cette quête mènera à une séquence finale d’une grande intelligence de cinéma, d’une subtilité et d’une émotion rares. Malgré le sang et les morts, le soleil brillera à nouveau sur Paris.

Revoir Paris d’Alice Winocour. Avec Virginie Efira, Benoit Magimel, Grégoire Colin…Pathé Distribution. Sortie le 7 septembre

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