Réunissant près de 170 œuvres, toutes époques médiums confondus, l’exposition du MuMa, au Havre, s’empare de L’Épiphanie du vent et donne forme à l’invisible.

Le vent, « cela qui ne peut être peint » : la formule a valeur de sentence, elle est tirée de Pline l’Ancien. Dès le premier siècle de notre ère, l’auteur romain consignait ainsi dans sa vaste Histoire Naturelle ses impressions face à ce météore dont la vacuité n’a d’égal que son inconsistance. Le vent rend en effet la pluie oblique et le ciel en perpétuel mouvement, mais toute tentative de le représenter se heurte à son invisibilité. Car c’est un fait, de cet élément, seuls ne peuvent être captés que ses effets, sa présence tacite, soit ses linéaments. En déployant ses prestiges, le vent caresse, balaie, rugit, et sa figuration soulève ainsi une féconde aporie, un fertile paradoxe auquel depuis l’Antiquité de nombreux artistes ont tenté de répondre. C’est aux solutions plastiques de ces derniers que l’exposition du MuMa est ainsi consacrée. Présentée selon un parcours à la teneur chronologique, elle laisse néanmoins libre cours aux rapprochements formels et thématiques. Ainsi, elle s’ouvre sur le vent vu comme une divinité, soit comme l’incarnation d’un sujet. Ici, une gravure de Dürer côtoie l’œuvre plus tardive de François Gérard (1802), choisie en guise d’affiche pour la manifestation : la puissance élémentaire est désignée par ses actes aux retentissements libertins, produits sur la figure de Flore, offerte au plaisir pléthorique des frissons féminins. Qu’est-ce que le vent, si ce n’est cette insaisissable figure tutélaire, qui brasse et toujours embrasse l’air ? Plus loin s’affirme le paysage, les marines y prédominent, la tempête anime alors la mer de voiles gonflées, laissant dans son sillage un cortège de flots frangés. Le grand Léonard lui dédie d’ailleurs un texte, presque un petit traité… Mais à l’exemple des toiles de Turner et des dessins d’Hugo, c’est le caractère transitoire d’une sensibilité et d’un art romantiques que semble célébrer l’élément météorologique. Le vent ravive également la force des beaux jours, et il faut attendre la fin du XIXème siècle et la sortie de l’atelier, avec des peintres comme Monet, pour relayer cette impression criante de vérité. Surtout, ce sont le cinéma et son mouvement qui s’avèrent les plus à mêmes à suggérer les facéties du vent. Prennent place aussi, en contrepoint, les photographies de Corinne Mercadier : baignées de présences énigmatiques, comme soufflées, elles semblent rejouer une « explosante fixe » motif phare des surréalistes et plus précisément de Man Ray. Le vent s’immisce alors partout et pénètre les peintures abstraites comme une suggestion de sensations, synesthésiques cette fois-ci. Les perspectives nettes et linéaires s’effacent ici au profit d’ombres au pouvoir vibratoire, comme incantatoire. Célèbrent-elles le chant du vent, ou du moins sa mémoire ? À cette question énigmatique tente ainsi de répondre cette belle sélection d’œuvres à l’éclectisme affirmé.  

Le Vent, « Cela qui ne peut être peint ». Jusqu’au 2 octobre. MuMa

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