C’était le jeudi 16 juin que nous avons reçu, à la librairie Galignani, le prix Nobel de littérature 2021, Abdulrazak Gurnah. L’auteur du très beau Adieu Zanzibar ( éditions Denoël 2022), nous a parlé de son œuvre, dense, subtile, mélancolique, mais aussi de son expérience d’exilé, tiraillé entre l’Afrique de son enfance, et la culture anglaise qu’il a fait sienne. Lui qui a quitté Zanzibar dans les années 60, à dix-huit ans, pour rejoindre une Angleterre à l’époque froide et peu ouverte aux étrangers, nous confie s’être toute sa vie posé la question de savoir s’il avait bien fait de quitter son pays. Là réside sans doute le pivot de son œuvre qui, de Paradis à After lives, son dernier roman paru outre-manche, met souvent en scène des figures arrachées à leur terre natale, recherchant dans l’amour, ou dans la beauté, de la littérature, des paysages, un nouvel ancrage. Ainsi les pages d’Adieu Zanzibar, consacrées à deux frères, Amin et Rashid, l’un restant sur son île en proie au chaos politique, l’autre rejoignant l’Angleterre, incarnent avec force ce choix imposé à tant d’Africains. Gurnah est revenu aussi sur le colonialisme, grand sujet de son œuvre, et notamment d’Adieu Zanzibar qui met en scène des personnages de colons en 1899, pris entre l’intuition des changements à venir en Afrique, et l’atavisme du système colonial britannique, dans son mépris des vies africaines. Dans notre entretien, Abdulrazak Gurnah évoque aussi sa carrière universitaire : il a enseigné toute sa vie la littérature post-coloniale à l’université de Kent et nous fait part de sa vision des écrivains africains, et notamment de cette question de la « négritude » qui fut son sujet de thèse. Abdulrazak Gurnah s’est révélé un homme délicat et réflexif, à l’image de son écriture. Ce fut un privilège de le rencontrer.

Adieu Zanzibar, Abdulrazak Gurnah, éditions Denoël
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