À June Events, Joanne Leighton fait un clin d’œil aux surréalistes et laisse cinquante-huit chorégraphes activer les Corps Exquis de trois interprètes. 

C’est ce qu’on appelle un compagnonnage. Entre la chorégraphe Joanne Leighton et l’Atelier de Paris, à la Cartoucherie de Vincennes, la fidélité d’une longue marche partagée est parfaite. Au cours de la 16ème édition de June Events, le CDCN Atelier de Paris présente pour la onzième fois une pièce de la Belgo-Australienne qui travaille en France. Joanne Leighton est une traceuse de lignes, dans le temps et dans l’espace, et elle pense et ressent ces dimensions en grand, au-delà de la scène mais aussi sur le plateau. A titre d’exemple, les Aborigènes d’Australie lui ont inspiré une pièce en référence aux sentiers de ce peuple dans le désert australien, chemins « inscrits dans le paysage par d’anciens êtres totémiques légendaires » et « conservés jusqu’à nos jours par le chant et la danse. » Sur elle-même, elle avance : « Ayant grandi en Australie dans les années 1970, j’ai été baignée dans la culture aborigène. » Et cette culture inclut l’unité entre l’homme et son environnement naturel. La marche, le déplacement, le chemin tracé sont pour elle des repères de l’existence. Actuellement, elle déploie le projet Les Veilleurs, où des personnes issues de la population passent un moment, au lever ou au coucher du soleil, dans une cabane surplombant le paysage, à déployer une présence solitaire et apaisante. Menée dans plusieurs villes européennes depuis une dizaine d’années, Les Veilleurs trace des lignes imaginaires d’un pays à l’autre. Chaque présence s’étend sur une année entière, actuellement à Montreuil au Parc des Guilands, mais le projet fut longtemps activé dans plusieurs pays en même temps et le sera sans doute encore. 

On fera donc facilement le lien entre ces tracés à travers les différents paysages et Corps Exquis, son trio pour la scène qu’elle présente au festival June Events. Un « solo à trois corps », selon la formule de Leighton, une chorégraphie telle une chaîne humaine, non entre les danseurs mais entre les cinquante-huit chorégraphes qui signent ce spectacle. Mais alors, qui en est le véritable auteur ? Les cinquante-huit (dont Leighton) dans l’ensemble, ou bien la seule Leighton, ou bien les trois interprètes ? Corps Exquis reprend le principe du Cadavre exquis cher aux surréalistes, chaque chorégraphe reprenant, pour une création personnelle d’une minute, les dix dernières secondes de son prédécesseur. Ainsi se tend un fil, un tracé à travers le paysage chorégraphique qui est des plus riches, car fait de l’ensemble de ses singularités. Détail pratique : Il va de soi que les noms des chorégraphes ne sont pas affichés pendant le spectacle puisque le but n’est en rien la devinette pour initiés. Le nombre élevé de contributeurs l’interdit d’emblée. C’est la notion de communauté qui l’emporte, comme si souvent chez Leighton, qu’il s’agisse des Aborigènes ou des populations fédérées dans ses performances intitulées Made in…, créées dans vingt villes à travers l’Europe, chaque fois avec quatre-vingt-dix-neuf participants. Corps Exquis, c’est cela : Trois corps en mouvement et une communauté de chorégraphes. 

Corps Exquis de Joanne Leighton et 57 autres chorégraphes. Festival June Events. Le Carreau du Temple. 14 et 15 juin 

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