Au Quai d’Angers, huit ans après avoir créé l’événement à Avignon, Thomas Jolly reprend en juin le feuilleton shakespearien qui retrace l’épopée de la famille d’York. Une tétralogie qui va se jouer en 24 heures chrono. 

Enclavé derrière les barrières du chantier du futur tramway, le Quai d’Angers est bien calme de l’extérieur, en ce mois de mai. Comme assoupi, il semble attendre qu’une bonne fée vienne le réveiller, qu’un nouveau défi le fasse vibrer. C’est mal connaître son foisonnant et fougueux directeur. Derrière les grandes baies vitrées, les murs gris, une armada d’artistes, de techniciens et de régisseurs, s’agite, depuis un peu plus de dix jours, sur la grande scène du théâtre. C’est une vraie ruche. Ça court, ça grouille, ça virevolte en tous sens, ça chante et ça danse même. 

À peine Le Dragon d’Evgueni Schwartz finit-il sa tournée, que Thomas Jolly se lance dans un autre défi à sa démesure, (re)monter dans son intégralité la tétralogie de William Shakespeare, consacrée à la guerre des roses qui a ravagé le royaume d’Angleterre la mort d’Henri V en 1422 à celle de Richard III en 1485. « J’avoue, s’amuse-t-il à répéter, c’est une véritable obsession qui trouve son origine le 21 juillet 2014 au petit matin, suite à la première représentation à Avignon. Après dix-huit heures de marathon théâtral, le public en redemandait encore et encore, en scandant debout, Richard III, Richard III ! C’était une vraie surprise. J’ai tout de suite compris que sans le dernier volet de la tétralogie, le spectacle n’était pas abouti. Depuis, j’ai cela dans un coin de mon esprit. Plusieurs fois, on a tenté mais sans jamais trouver le bon timing, le bon créneau. C’est maintenant chose faite. On verra le 5 juin prochain si c’est une bonne idée ? »

Sortant des malles costumes et décors, qui n’avaient pas vu le jour depuis maintenant cinq ans, la troupe de Thomas Jolly se glisse à nouveau dans cette fantastique et pantagruélique aventure. À la manière d’un feuilleton télévisé, chacun, à peu de chose près, reprend son rôle, sa place dans cette épopée shakespearienne. « C’est un travail dingue, explique le comédien et metteur en scène, depuis plusieurs mois, s’appuyant notamment sur la captation des deux spectacles, Fanny Gauthier et Michaël Bernard, qui m’assistent, ont édité une sorte de bible du spectacle qui répertorie tous les déplacements, toutes les notes, tout ce qui permet à chacun de retrouver sa place. C’est d’ailleurs troublant de voir comment en quelques minutes tous les réflexes reviennent comme si on avait joué la veille. » 

Mouvements de foule, scènes intimes, en cette après-midi de répétition, avant le filage du lendemain, ce sont les derniers réglages que Thomas Jolly essaie de fixer avec l’équipe technique. Micro à la main, toujours en mouvement, toujours au plus près du jeu, du plateau, tel un enfant, il s’émerveille d’un détail oublié, d’une improvisation qui donne encore plus de relief à une scène. Très attentif, extrêmement minutieux, mais toujours bienveillant, il dirige de mains de maître ce ballet fourmillant, cette épopée, qui dans quelques jours, captivera une salle comble, une journée durant. Une sacrée gageure, une expérience à ne pas rater !

Henri VI + Richard III de William Shakespeare. Mise en scène de Thomas Jolly. Du 4 au 25 juin au Quai-Angers. Infos sur https://h6r3.lequai-angers.eu/