Au TGP, Pauline Sales convoque des figures féminines, des artistes qui, à travers leur créativité, rendent compte de l’évolution de la condition des femmes au cours des soixante-dix dernières années. Une fresque humaine intense.

La Seconde Guerre mondiale vient de s’achever. Germaine, une photographe, ancienne résistante, souhaite laisser derrière elle ses souvenirs, vendre les derniers vestiges de sa vie d’avant. Elle veut notamment se séparer du pavillon de banlieue au charme désuet, inhabité depuis longtemps, que lui a offert Joris, son mari, avant qu’elle ne le quitte pour un autre, dans un acte de générosité afin de la mettre à l’abri du besoin et lui permettre de s’adonner à son art sans se soucier des contingences matérielles. Discrètement, en sous-main, il décide de racheter la bâtisse et d’en faire un lieu de résidence, un havre de paix propice à la création, réservé aux femmes. Les années passent. La dame qui s’occupe du ménage voit défiler des artistes de tout bord, écoute d’une oreille distraite leurs états d’âme, se laisse submerger bien malgré elle par leurs histoires, leurs combats, leurs luttes contre le sexisme de la société. Certaines, comme Simone, fuient un mari autoritaire, d’autres veulent se libérer des corvées ménagères qui embolisent leur temps, trouver un endroit pour réfléchir, laisser aller leur imagination, leur créativité. C’est le début d’une belle histoire, celle d’une bâtisse qui pierre après pierre va être le témoin privilégié de l’émancipation des femmes des années 1940 à nos jours, de l’évolution de leur condition. Traversant les époques, les continents, la maison mute, quitte les alentours de Paris, s’installe un temps en Californie avant de retraverser l’Atlantique et prendre ses quartiers de printemps dans un coin de la campagne française.

Évoquant notamment le projet Womanhouse, mené en Californie par les activistes Judy Chicago et Miriam Schapiro, qui, au tout début de l’année 1972, avaient transformé en Californie une maison abandonnée en espace d’exposition dédié à un art engagé porté par des femmes, questionnant l’enfermement domestique, l’invisibilisation du deuxième sexe, Pauline Sales esquisse, à travers des figures archétypales, comme cette plasticienne, qui sous le regard sidéré de ses comparses, transforme des coussins en sexe féminin, les contours d’un féministe pluriel, multiple et riche de courants autant sages que virulents.

Multipliant les références à l’envi, quitte à perdre le spectateur en cours de route à trop vouloir être didactique, l’autrice et metteuse en scène signe une œuvre dense. N’évitant pas quelques écueils, elle peut compter sur le talent de ses incroyables interprètes. Hélène Viviès, en tête, pour mener tambour battant cette épopée du mouvement féministe à travers près d’un siècle de lutte, qui marqua l’avènement d’un monde plus égalitaire. 

Les Femmes de la maison de Pauline Sales. Au Théâtre Gérard Philipe, du 11 au 22 mai.