Après sa création au Festival Montpellier Danse, Thomas Lebrun fête avec virtuosité les vingt ans de sa compagnie à Chaillot. Une fresque dansée somptueuse et baroque qui célèbre l’art de la danse sous mille et une formes.

Le silence règne dans la salle. Le rideau se lève sur une scène nue. Une ou un artiste s’avance et ouvre le bal. Elle ou il est la première ou le premier des cinq invités surprises que Thomas Lebrun a convié pour faire de cette soirée une fête unique, un moment de partage qui rend hommage à toutes les danses. Chorégraphes, danseuses ou danseurs se produisant sur la scène de Chaillot ou amis de longue date, tous ont répondu à l’appel. D’un geste, d’un mouvement s’apparentant à quelque rituel, il convie les quinze interprètes de la troupe du chorégraphe installée à Tours depuis dix ans, à rejoindre la piste. 

 Revue de music-hall ou fresque revisitant à travers le temps et l’espace l’art de la danse, le spectacle s’apparente à une balade poétique, qui sous ses airs de cérémonial est une ode à tous ceux qui ont construit, nourrit l’imaginaire de Thomas Lebrun. Au détour d’un enchaînement, d’un jeté de jambes parfaitement exécuté, on reconnaît les courants esthétiques dont il se revendique, l’héritage de Trisha Brown bien sûr, mais aussi au débotté d’un mouvement de groupe l’ombre de Pina Bausch plane sur le spectacle. Ainsi, au fil des deux heures ininterrompues de show, l’artiste entraîne à sa suite avec une folle gourmandise et minutieuse maîtrise, danseurs de tout âge, de tous corps, dans une sorte de bréviaire chorégraphique où se dessine en creux son propre abécédaire.

 Faisant naître sur scène un espace de liberté, où lui-même prendra sa part pour notre plus grand plaisir, il esquisse une folle épopée qui mènera le spectateur dans une succession de figures de style allant du classicisme le plus pur à la transe folle d’une soirée de nouvel an. De Rachmaninov à Purcell, en passant par Beethoven, Mozart, Debussy, Elvis Presley, Les Doors ou Alphaville – certainement l’apogée du spectacle –, remixés audacieusement par Maxime Fabre et l’un des danseurs fétiches du chorégraphe, Yohann Têté, un feu incandescent et communicatif s’empare du plateau. Fidèle à ses valeurs, une belle séquence aux couleurs du rainbow flag en témoigne, Thomas Lebrun conclut son odyssée chorégraphique en un apothéose d’or et d’argent. Un hymne à la danse comme bacchanale. 

Mille et une danses ( pour 2021) de Thomas Lebrun. Chaillot – théâtre national de la Danse, du 6 au 9 avril