La sixième édition du WET°, le festival organisé et programmé par les jeunes artistes de l’ensemble artistique du Théâtre Olympia de Tours, se distingue par une fréquentation massive et une programmation aussi éclectique qu’intelligente. 

Il faut bien le reconnaître, un grand nombre de salles subissent une sacrée crise de fréquentation depuis la rentrée. Aussi est-on un peu étonné, en débarquant à l’Escale, vaste salle de Saint-Cyr-sur-Loire, où se tiennent les deux premiers des douze spectacles du WET°, de croiser autant de monde. Les pelouses sur lesquelles se joue L’Armoire polyphonique du Bureau d’Études de la Chanson, impromptu musical dont les paroles surprennent et enchantent, sont peuplées de spectateurs, plutôt jeunes. Aller vers l’autre par l’intime et l’humour, est ce qui relie, semble-t-il, les trois spectacles de cette soirée inaugurale. Une démarche au cœur de 37 heures, le seul en scène écrit, interprété et mis en scène par Elsa Adroguer. En tailleur, devant un grand écran sur lequel défileront les dates importantes de sa vie, elle raconte son histoire. Le « conte de faits » de Camille, seize ans, qui, au début des années 2000, rencontre Christian son moniteur d’auto-école, dont elle tombe amoureuse d’un coup de baguette magique, avant que le prince charmant, beaucoup plus âgé qu’elle, ne se métamorphose en crapaud et en violeur. Partant du drame intime d’une adolescence provinciale dont elle ne nous épargne aucun détail, Elsa Adrogueur décortique les mécanismes de défense inhérents aux victimes de viols et d’abus sexuels et nous invite, en creux, à regarder plus attentivement les femmes qui nous entourent. Sociologiquement très à charge, 37 heures serait un réquisitoire un brin moralisateur si le recours à un humour ponctuel ne venait apporter cette distance nécessaire. Cette distance réflexive est encore au cœur de Koulounisation, l’un des bijoux de cette édition du WET°. Comment dit-on « colonisation » en arabe ? C’est par cette question que Salim Djaferi, saisissant performer belge d’origine algérienne, commence le récit de sa petite enquête, menée en France, en Belgique et en Algérie. Interférences du langage, emprunts linguistiques, néologismes et interactions subtiles avec le public, sont au cœur de cette performance à l’ironie mordante. Salim Djaferi, tout en jouant sur les ruptures de ton et l’illusion, y déplace notre regard, qui passe de celui du colonisateur à celui du colonisé, et inversement. Et nous interroge : qui choisit les mots pour qui ? Que recouvrent-ils ? Comment et pourquoi sont-ils remplacés ? Là aussi, de la première à la dernière minute du spectacle, le public est extrêmement attentif. En sortant du Théâtre Olympia, en dépit de l’heure tardive, les spectateurs boivent des verres, plaisantent, ne sont pas toujours d’accord.  C’est l’autre pari, réussi, du WET° : sa convivialité n’est pas feinte et l’enthousiasme de l’équipe du théâtre est sacrément contagieux.  

WET°, le festival du Théâtre Olympia de Tours, septième édition en mars 2022.