Depuis 2015, Sandrina Martins est la directrice du Carreau du Temple. Elle y a lancé Everybody, un festival audacieux entièrement dédié au corps contemporain.  

Qu’est-ce que le corps contemporain ? 
Everybody signifie tout le monde et chaque corps. Everybody  montre les différents corps dans la société d’aujourd’hui. On pourrait presque parler d’une phénoménologie du corps artistique (Sourire). Nous sommes partis du constat que toutes les populations ont les mêmes droits mais que l’égalité réelle est loin d’être acquise. Ce festival c’est la possibilité pour des artistes de montrer comment ces questionnements les traversent. Il s’agit donc d’aborder les questions liées aux différents corps, et en creux de s’interroger sur des problématiques de handicap, de genre, de grossophobie ou de couleur de peau. Nous sommes dans une époque de réappropriation des corps. Je me suis beaucoup inspirée de Camille Froideveaux-Metterie qui analyse que par la plongée dans l’intime et la réappropriation de son propre corps on peut montrer sa force.

Votre programmation pour Everybody est essentiellement féminine…
Oui. C’est vrai, cette problématique de réappropriation du corps est aussi féministe. Cela permet aussi de mettre en avant le fait que bien qu’étant un secteur très féminin les femmes chorégraphes ne représentent qu’un tiers des programmations. La programmation annuelle du Carreau est paritaire mais il est vrai que les problématiques d’Everybody sont davantage traitées par les femmes chorégraphes.

Y a-t-il aussi le désir de bousculer notre rapport au corps? Je pense notamment à Seeking Unicorn avec Chiara Bersani qui mesure 98 centimètres!

La façon dont s’incarne un corps sur le plateau est au cœur de notre regard de spectateur dans cette performance coup de poing. C’est un corps différent qui montre sa puissance en étant ce qu’il est. Le regard n’est pas condescendant, les spectateurs éprouvent plutôt un grand sentiment d’admiration par rapport à la force incarnée sur le plateau. De Françoise à Alice de Mickaël Phelippeau est un duo entre une femme danseuse et sa fille atteinte de trisomie 21, à laquelle on disait qu’elle ne pourrait pas devenir danseuse. À force de désir et de volonté elle y est parvenue. Everybody c’est aussi les modèles que j’ai envie de mettre en avant. Je crois qu’il faut des modèles positifs pour faire avancer la société, qui reste encore très validiste. 

Vous recevez notamment Cherish Menzo pour Jezebel, inspiré des vidéos vixens. De quoi s’agit-il ? 

Ce sont des vidéos qui hypersexualisent le corps noir dans les clips de rap et de hip-hop dans les années quatre-vingt-dix. L’hyper-érotisation du corps noir est aussi abordée par Rébecca Chaillon dans Carte noire nommée désir. Cherish Menzo arrive quant à elle sur scène dans une tenue qu’on peut retrouver sur ces vidéos de rap. Elle se libère. C’est plus une performance dans laquelle elle donne à voir cette hypersexualisation et son émancipation. 


Pour quelles raisons associez-vous à la programmation des cours et des ateliers de pratiques corporelles ? 
C’est dans l’ADN du Carreau du Temple. Nous proposons une cinquantaine de cours et d’ateliers de pratique corporelle par an. Pour des grands évènements comme celui-ci se tiennent des cours géants qui peuvent rassembler jusqu’à trois cents personnes, de tous les âges et de tous les publics. Everybody a une thématique assez grave mais c’est aussi un évènement joyeux, festif et transgénérationnel. 

Festival Everybody, Carreau du temple, du 18 au 23 février.

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