Du Rond-Point au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Christine Citti croque le monde d’aujourd’hui, et de demain. Ainsi sa dernière création : Dans la fumée des joints de ma mère.

Qu’est qui vous a donné envie de passer de l’autre côté du miroir, d’écrire vos propres pièces ? 

J’écris depuis toujours. J’ai plein de pièces dans mes cahiers, dans mon ordinateur. Je n’avais juste jamais osé franchir le pas, les faire lire, imaginer qu’elles seraient montées sur une scène de théâtre. Je ne me sentais pas légitime. Un peu comme Gainsbourg avec la peinture, je place l’écriture au-dessus du tout. C’est, pour moi un art majeur. Le hasard a fait que, dans le cadre des actions culturelles menées sur le territoire de la Seine-Saint-Denis par la MC93, Hortense Archambault nous a proposés, à Jean-Louis (Martinelli) et moi, de mener un atelier théâtre dans un foyer d’urgence pour mineurs. L’expérience, qui n’a pas été simple, rien n’était prévu à cet effet, pas de salle à dispo, etc., a été forte, prenante, bouleversante. En fin d’année, il a fallu rendre compte de ce que nous avions fait, de ce que nous avions vécu. J’ai donc pris ma plume à la demande de Jean-Louis. Après une lecture, Hortense a proposé de produire le spectacle. C’est ainsi, qu’au lieu de rejoindre ses petites sœurs dans un tiroir, une étagère ou un dossier numérique, Ils n’avaient pas prévu que nous allions gagner a vu le jour. 

Qu’est-ce qui vous a inspiré ? 

Tout bêtement, je suis parti de l’idée de faire du théâtre et de l’impossibilité d’en faire. D’où le fait que je sois dans la pièce, comme élément catalyseur, à l’écoute de ces jeunes, de ce qu’ils ont traversé avant de se retrouver en foyer, de leur rage, de leur espoir aussi. Comme je ne faisais pas partie de l’institution, certains se sont confiés, notamment des jeunes filles autant sur leur quotidien, que sur des blessures plus intimes. Forte de tout cela, je ne souhaitais pas faire une pièce documentaire, ni une pièce de témoignages. J’avais envie d’autre chose, de rendre à ces jeunes que nous avons croisés, avec Jean-Louis durant un an, une histoire, un récit, un objet poétique, au grand sens du terme. Je voulais qu’on les entende.

Votre deuxième pièce mise en scène fait un grand écart générationnel. Après les ados, ce sont les septuagénaires qui sont au cœur de Dans la fumée des joints de ma mère…

Déjà, ce deuxième texte ne serait jamais sorti, si la tournée d’Ils n’avaient pas prévu… n’avait pas rencontré un joli succès public. Après, les « vieux » et les « vieilles», si je puis dire, est un sujet qui me passionne depuis toujours. C’est certainement dû à la tendresse que j’avais pour ma grand-mère, qui a vécu jusqu’à presque cent ans. C’était une femme formidable autant qu’une dame âgée délicieusement indigne. Et puis avec mes amis, on aborde de temps à autre la fin de vie, le refus de terminer en EHPAD, en légumes. On a donc ce fantasme de faire une fête mémorable avant de faire le saut final tous ensemble. Par ailleurs, on ne peut que constater en France la dégradation du service public. En amalgamant tout cela, j’ai eu l’idée d’un conte anticipateur et dystopique, dans un monde, où il n’y aurait plus de sécu, de retraite, et pour ne pas être une charge pour la société, à partir de 70 ans, chaque citoyen peut recevoir, à tout moment, un jeton pour en finir. Partant de ce point de départ, j’ai imaginé une bande de potes ayant traversé de longue date les aléas de l’existence, qui décide de se réunir pour une folle et dernière soirée, lorsque l’un d’entre eux reçoit ce fameux ticket mortel. Au cours de ce dernier moment que j’ai souhaité drôle, enlevé, humain, l’alcool et la drogue aidant, les langues vont se délier, les secrets vont sortir de leur cachette, les récits de vie vont s’entremêler. 

Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner de Christine Citti, mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Du 26 janvier au 5 février au Théâtre du Rond-Point, Paris. 

Dans la fumée des joints de ma mère de Christine Citti, mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Du 6 au 20 février au Théâtre Gérard Philipe – Centre dramatique national de Saint- Denis, en partenariat avec la MC93.