La metteure en scène Catherine Marnas questionne le genre à travers la figure d’Herculine Barbin, première hermaphrodite à avoir laissé une trace de son histoire à travers ses mémoires célèbres grâce à Michel Foucault. 

Sous la rotonde du théâtre du Rond-Point, loin du regard du public, que l’on atteint après un long parcours labyrinthique à travers une succession de couloirs et d’escaliers gris, Catherine Marnas et son équipe s’attellent à décortiquer l’histoire de ce personnage hors du commun, né femme en 1838 et réassignée homme une vingtaine d’années plus tard suite à un examen médical. Créature ou bête de foire pour les uns, femme pour ses amantes, homme scandaleux pour une société conservatrice, objet d’études pour la science, être intersexe pour les nouvelles générations, Herculine Barbin fascine  et questionne notre rapport au genre. 

 Sortie de l’ombre grâce à Michel Foucault, qui publie en 1978 son journal intime, découvert lors de ses recherches sur la sexualité dans le département français de l’Hygiène publique, il sort l’hermaphrodisme du fantasme, l’ancre dans une réalité sombre, violente. « J’avais vu au Festival d’Avignon, il y a plus de trente ans, au milieu des années 1980, se souvient Catherine Marnas, une version très raccourcie des Mémoires d’Herculine Barbin portées par Dominique Valadié et mises en scène à sa demande par Alain Françon. Ce texte, l’histoire de cet enfant, confronté bien malgré elle, bien malgré lui, à un trouble sexuel identitaire, m’a marquée. Tout naturellement, quand j’ai souhaité faire un spectacle sur le genre, sur la manière dont sa perception a évolué au cours du temps, je suis retournée à la source, le récit original. » 

 Pour les deux comédiens qui vont se partager la scène pour donner vie à Herculine, la rencontre est bien différente. L’un en connaissait l’existence, l’autre non. « Bien sûr, ce récit de vie singulier, explique Nicolas Martel, m’intéressait. Je souhaitais porter la parole de ce personnage unisexe. L’envie de retravailler avec Catherine, de la retrouver au plateau, a fini de me convaincre. » Au cours de l’après-midi studieuse, de nombreuses questions voient le jour. Faut-il évoquer les terribles rapports d’autopsie ? Faut-il parler des indécentes et invasives photos de Nadar, missionné pour apporter son concours à la science ?  Comment faire pour lui redonner vie avec justesse et empathie ? 

« Parler du genre, du binarisme de nos sociétés contemporaines, de sa remise en cause par les nouvelles générations, souligne Huming Hey, est plus que nécessaire. Il était temps de s’en emparer, pour enfin permettre à Herculine d’exister par elle-même, bien au-delà du regard des autres. »

Encore en défrichage, Herculine Barbin : Archéologie d’une révolution promet d’être un moment fort de la rentrée théâtrale de janvier 2022. En donnant corps et chair à ce récit, éclairé par les écrits de Foucault, de Préciado, de Magali Le Mens, entre autres, Catherine Marnas, metteuse en scène et directrice de CDN engagée, met en lumière non seulement cet hermaphrodite devenu sujet plus qu’objet, mais aussi une plume, un style, un écrivain.

Herculine Barbin : Archéologie d’une révolution d’après Herculine Barbin dite Alexina B. publié et préfacé par Michel Foucault.

Adaptation de Catherine Marnas et Procuste Oblomov. Mise en scène de Catherine Marnas. Au TnBA de Bordeaux, du 11 au 20 janvier