Le nouveau Paul Thomas Anderson est arrivé. Meilleur que jamais, avec Licorcice Pizza, chronique d’un Los Angeles méconnu. En salles mercredi 5 janvier.

Trois ans après le somptueux Phantom Thread, Paul Thomas Anderson revient avec un film d’une grande fraîcheur. Loin des chemins balisés et des clichés sur la cité des Anges, il dépeint la jeunesse de la San Fernando Valley dans laquelle il a lui-même grandi durant les années soixante-dix. Portrait intime qui suit la trajectoire de deux jeunes gens, Alana Kane (Alana Haim), vingt-cinq ans, assistante photographe et Gary Valentine (Cooper Hoffman), quinze ans, jeune acteur prometteur qui enchaîne shows et castings. A sept ans, PTA raconte qu’il s’invitait dans les réunions paternelles et tendait un carnet aux hommes de télévision où l’on pouvait lire : « Je m’appelle Paul Thomas Anderson, je veux être scénariste, producteur, réalisateur, maquilleur. Je sais tout faire. Engagez-moi s’il vous plaît. » Le héros de Licorice Pizza emprunte quelques traits à cet homme culotté, à l’énergie communicative qui scénarise ses propres films et en signe même la photographie. Qu’il balance des vannes foireuses en plein show télévisé, ou se coule dans un costard trop serré, qu’il se lance dans l’import-export de matelas à eau ou dans celui des flippers, Gary ose tout. Il n’a tellement pas froid aux yeux qu’il peut filer rancard à Alana de dix ans son aînée.

Le jeu des deux jeunes acteurs quasi novices est époustouflant. Quant au titre, il annonce la couleur, la douceur du réglisse alliée au goût piquant de la pizza… euh non, en réalité, il fait écho à une chaîne de magasins de disques populaires dans les seventies. Déroutant son spectateur, PTA ne fait jamais dans la reconstitution minutieuse d’une époque, au contraire, il laisse son atmosphère nous imprégner, son souffle nous traverser. Il la capte tout simplement. Sa chronique d’un Los Angeles méconnu, à la manière d’un Inherent Vice sans acide cette fois, voit se succéder des seconds rôles tous plus hilarants les uns que les autres : Sean Penn en acteur-cascadeur-dragueur vieillissant quitte un dîner pour une nouvelle cascade, sous les encouragements de Tom Waits, sans égard pour la chute de sa partenaire, fausse Grace Kelly-Alana tombée sur ses fesses et sa guitare ; Harriet Sansom Harris, en directrice de casting, insiste lourdement sur le profil très juif d’Alana quand Benny Safdie endosse le costume d’un politicien idéaliste peinant à assumer son homosexualité ; Bradley Cooper préférant les mini-jupes des tenniswomen croisées sur un trottoir au jerrycan qui lui permettrait de rejoindre sa dulcinée, Barbara Streisand, au cinéma. L’amitié et la romance se mêlent et s’emmêlent lorsque le cinéaste suit le transport amoureux de son duo Gary-Alana. Un transport comme un envol alors que la caméra épouse leurs courses folles en champ contrechamp. A contretemps, ils ne cessent de se manquer. L’amour désaccordé devra trouver son propre accord et échapper aux conventions — « c’est bizarre, non, que je traîne avec la bande de Gary » s’interroge Alana. Alors que l’une se targue de sauver la planète en tractant pour un candidat aux sondages défavorables, l’autre rêve d’une nouvelle affaire de flippers. Le film suit les premières expériences, la débrouille, l’enthousiasme communicatif d’un duo qui ne cesse de se réinventer — acteur, homme d’affaires ou assistante photographe, apprentie actrice-musicienne ; leur parcours émeut, déroute, émerveille, fait pouffer de rire. Avec cette ode à la jeunesse, PTA nous offre un pur joyau.

Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, Universal. Sortie le mercredi 5 janvier.

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