Igor Mendjisky joue la plus autobiographique de ses créations, Les Couleurs de l’air. Ilia, jeune réalisateur de cinéma, découvre à la mort de son père, que ce dernier était aussi un escroc. Rencontre.

Cela s’est presque fait par hasard. Igor Mendjisky nous raconte pudiquement que c’est grâce à sa professeure de français, qui avait remarqué qu’il aimait lire à voix-haute, qu’il s’inscrit dans son premier atelier. Il a quinze ans, entre ensuite au Conservatoire d’arrondissement, puis au Conservatoire National dont il sortira en 2007. Une révélation pour le jeune homme qui s’imaginait plutôt peintre jusqu’alors. « Très vite j’ai trouvé avec la mise en scène, l’art qui comblait mon besoin de raconter des histoires dans leur globalité, de faire des tableaux vivants, avec différents personnages », nous raconte enthousiaste, celui qui confesse adorer jouer mais ne pas aimer « dépendre du désir des autres ».

C’est ainsi qu’il crée, pendant dix ans, ses propres mises en scène, avec sa compagnie « les Sans Cou » (en hommage à Desnos). En 2008, sa mise en scène d’Hamlet au Ciné-13 lui ouvre des portes. Et J’ai couru comme dans un rêve, celles du théâtre public au TGP en 2013. Entre temps, le jeune homme a aussi rencontré Wajdi Mouawad (qui l’invite à monter son adaptation d’Hansel et Gretel à la Colline, la saison prochaine), à propos duquel il est intarissable. « J’ai adoré sa dramaturgie, sa quête de bouleversement du spectateur. Ce tsunami qui fait que, sortant de ses spectacles, on parvient à mieux revenir à la vie. Son écoute, sa façon de réunir un groupe m’ont mis en mouvement ».

De mouvement, Igor Mendjisky n’en manque pas. En outre, nombreuses créations comme Le Dragon (2012) de Evgueni Schwartz ou Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov (2018) sont marquées par un tropisme pour les pays de l’Est. « J’ai grandi dans un folklore judéo-slave, nous raconte-t-il. J’ai vu beaucoup de gens passer du rire aux larmes. La manière dont ces auteurs racontent le monde, coule dans mon sang ».

Pour écrire Les Couleurs de l’air (un titre qui est à la fois une référence aux impressionnistes et aux peintres divisionnistes comme son père) dont le personnage découvre un « feu d’artifice de mensonges », Igor Mendjisky s’est donc beaucoup replongé dans Tchekhov. « On a tous une Cerisaie à nous. La mienne, c’était une propriété dans le Sud de la France, qui appartenait à mon père », confie-t-il. Ce dernier, le peintre juif polonais Serge Mendijsky, mort en 2017, il en est beaucoup question dans Les Couleurs de l’air. Même si la pièce reste une fiction. « Je joue le rôle d’Ilia. C’est la première fois que je me sens à ce point nu sur scène ». Un spectacle cathartique peut-être, dans lequel s’exprime, au-delà du deuil, sa volonté de s’affranchir. « Je ne sais pas s’il me console de la mort de mon père. Mais c’est comme si cela coupait un fil avec lui et que ce faisant, cela m’émancipait ». Tout en maquillant des mensonges aux couleurs de la réalité. 

Les Couleurs de l’air, d’Igor Mendjisky

L’Azimut – Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry, du 5 au 9 janv. 2022 

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