La saison des festivals se prépare déjà. La preuve, le Festival International d’Art lyrique d’Aix-en-Provence qui s’ouvrira le 4 juillet prochain dévoilait ce matin sa programmation : puissance et renouveau. 

« Renaître », le mot ouvre la brochure du festival d’Aix 2022, et donne le ton. Ce matin, lors de la conférence de presse de présentation du festival au Vieux Colombier, il n’était pas question de pandémie et de jauge, mais d’un programme audacieux et riche, dont la ligne claire a été pensée par Pierre Audi. Le metteur en scène et directeur du festival qui vient d’être reconduit, explique ainsi son désir : « l’édition 2022 du Festival d’Aix-en-Provence poursuit le temps de renouveau initié avec l’édition de relance exceptionnelle de l’an passé, mais pour l’entraîner vers de tout autres rivages- volontiers inattendus, inédits, inouïs ». En effet, le rivage 2021 avait été abordé dans une atmosphère miraculeuse. Alors que les théâtre rouvraient timidement, le festival d’Aix réussissait à faire venir Sir Simon Rattle et le London Symphony Orchestra dans une production de Tristan et Isolde à la distribution majestueuse, à faire naître Innocence, un opéra contemporain signé  Kaija Saariaho qui restera dans l’histoire pour sa finesse et sa profondeur, à présenter au tout récent Luma L’Apocalypse arabe d’après le texte culte de la regrettée Etel Adnan ou à offrir au public un Falstaff lumineux et théâtral, servis par le duo Christopher Purve/ Stéphane Degout, en très grands acteurs comiques. 

Puissance et renversement

Aix 2022 relève le défi de l’ambition, tout d’abord par la puissance : le Mozart attendu sera Idomeneo,longtemps l’un des opéras au plus grand orchestre, et qui sera chanté, notamment, par l’un des plus grands ténors actuels, Michael Spyres. Auprès de lui, la superbe Sabine Devieilhe. 

Au programme aussi, Michele Mariotti dirigera Moïse et Pharaon, l’épopée signée Rossini, et Pascal Dusapin, en création mondiale, se lancera dans La Divine Comédie, avec Il Viaggio, Dante. Sur scène de cette fantasmagorie dantesque, l’un des interprètes essentiels du répertoire français contemporain, Jean Sébastien Bou. 

Mais l’ambition sera aussi celle du renversement : ainsi la metteure en scène Andrea Breth, présente ce matin, nous expliqua sa vision du Salomé qu’elle s’apprête à monter hors des clichés. Ainsi, voit-elle l’opéra non seulement en véritable drame d’amour, mais aussi en «récit de la fin du monde ». Nous y sommes, qui dit renaissance, dit apocalypse antérieure. Nul doute donc, que dans ces fresques opératiques, sourde aussi la possibilité de l’effondrement.  Ainsi, ce Résurrection de Mahler qui ouvre le festival, mise en scène par Roméo Castellucci et dirigé par Esa-Pekka Salonen, dans le stadium de Vitrolles, ni véritable opéra, ni simple installation, promet d’aviver notre appétence pour les œuvres sombres et inclassables. 

Et que fera le metteur en scène Satoshi Miyagi d’Idomeneo, lui dont l’imaginaire vif et spectral habite chacun de ses spectacles, comme l’Antigone dans la Cour d’Honneur d’Avignon en 2017 ? Autre mise en scène dont on peut attendre beaucoup, celle que livrera Tobias Kratzer pour Moïse et Pharaon : le jeune Allemand qui signa avec Faust l’année dernière un spectacle mêlant avec une folle liberté, grotesque et sophistication, promet d’offrir un Rossini neuf. 

Et puis il y a l’autre création contemporaine de cet Aix : Woman at point zero de la compositrice libanaise Bushra el-Turk qui signe là son deuxième opéra. La compositrice libanaise nous placera au plus près d’une femme condamnée à mort, en adaptant un récit de Nawaal el Sadawi, la « Simone de Beauvoir égyptienne ». 

Enfin, d’un point de vue musical, se retrouveront à Aix, et Pierre Audi insista sur cette particularité de l’année, des orchestres « bleu, blanc, rouge » : l’Orchestre de Paris dans Résurrection et Salomé, l’Orchestre de Lyon pour Moïse et Pharaon, et Il Viaggio, Dante, ou l’ensemble Pygmalion, dirigé par Raphaël Pichon, pour Idomeneo, et une version de concert de L’Orphée et Eurydice de Gluck, qu’ils connaissent bien, pour l’avoir joué souvent en version d’opéra. 

Bref, nous serons tout à la fois à la maison et projeté dans le monde, au gré d’un rêve de renouveau auquel les artistes ont tous envie de croire. 

Festival d’Aix-en-Provence, du 4 au 23 juillet 2022. Réservations à partir du 26 janvier 2022. Pour plus d’informations, www.festival-aix.com