Sur l’exposition Aerodream on serait tenté de faire un mauvais jeu de mots en soulignant combien sa thématique est dans l’air du temps. Depuis une dizaine d’années, le rêve d’envol, et son corollaire, la légèreté, innervent une série d’expositions. Trois expériences intéressantes : On airde Tomas Saraceno au Palais de Tokyo (2018-19), L’envol ou le rêve de voler à la Maison rouge (2018) ou encore Supervisions dans le cadre de Chroniques à la Belle de Mai (2018). 

Déjà présentée cette année au centre Pompidou Metz, Aerodream aborde ce leitmotiv via les champs de l’architecture et du design. Sans exclure la création artistique – Air de Paris de Marcel Duchamp et les Fiato d’artista de Piero Manzoni y font même figure d’entrées en matière – l’exposition s’intéresse d’abord à une déclinaison spécifique et spectaculaire de l’air : les structures et architectures gonflables. Leurs versions contemporaines n’en sont que la portion congrue. L’exposition sonde plutôt l’âge d’or du phénomène aux États-Unis, au Japon et en Europe dans les années 1960 et 1970. L’essentiel des deux-cent cinquante photographies, pièces de mobilier, maquettes, perspectives et œuvres d’art rassemblées se tient ainsi dans un intervalle de temps relativement court. Soit la décennie qui sépare les débuts de la conquête spatiale du premier choc pétrolier. 

Comment expliquer ces dix années d’intense production artistique et architecturale autour du gonflable, puis son déclin subit et sa renaissance à partir des années 2000 ? L’intérêt d’Aerodream est de déplier une à une les raisons du phénomène culturel et d’en sonder aussi bien le versant technologique que les imaginaires. Les photographies de ballons, dirigeables ou aérostats suggèrent d’abord un continuum entre la recherche militaire et aéronautique et les créations de Victor Lundy, Hans Walter Muller ou Yutaka Murata. L’avènement d’une architecture légère et sans fondations, sinon hors-sol, s’offre évidemment en écho à la conquête spatiale. Elle hérite aussi des recherches menées sur les pneumatiques par l’industrie automobile et bénéficie de l’avènement du plastique, matériau souple et bon marché. Comme le soulignait Frédéric Migayrou, l’un des trois commissaires de l’exposition, dans Neurones, intelligences simulées au Centre Pompidou, le progrès technologique possède de profondes résonances (contre)culturelles. Le développement de la cybernétique et de l’informatique s’est en effet accompagné de la critique radicale de l’architecture et de l’urbanisme développée par le japonais Yukihisa Isobe. Parallèlement, l’âge d’or du happening et de la performance plaidait pour des structures mobiles, ludiques et temporaires.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’inquiétude écologique et l’invention de nouveaux matériaux favorisent aujourd’hui le retour en grâce du gonflable dans des cabinets d’architectes aussi différents que ceux de Rem Koolhaas et Cecil Balmond, Herzog & de Meuron, ou Nicholas Grimshaw. Un renouveau hélas peu survolé, si l’on peut dire, dans Aerodream. Reste à espérer qu’un second volet permette à terme d’en mesurer l’ampleur et les enjeux. 

Aerodream : Architecture, design et structures gonflables, 1050-2020, du 6 octobre 2021 au 14 février 2022

Cité de l’architecture et du patrimoine. Plus d’informations en suivant ce lien.