Pour sa réouverture au public, Chaillot proposait de découvrir The TREE(Fragments of poetics on fire), dernière création de Carolyn Carlson avec sa compagnie. Dans ce poème dansé, la chorégraphe américaine revisite les mythes antiques européens et asiatiques pour rendre hommage à une nature sacrifiée. Des tableaux sublimes de beauté qu’Arte Concert a captés pour une diffusion large de ce moment de grâce vendredi 11 juin.

Dans un décor épuré, lunaire, un arbre sans feuille et un homme à terre semblent rendre leur dernier souffle. Plus rien ne subsiste, ni la nature luxuriante, ni l’humanité bouillonnante. Le moment est au silence, à la méditation, au recueillement. Vêtue de blanc, une vestale sortie de quelques lointains temples grecs, accomplit les derniers rituels, collecte précieusement les derniers instants de vie de l’un et de l’autre. Un bouquet à la main, elle déambule sur la scène, nue. Telle une déesse, une prêtresse, une enchanteresse, elle ranime l’air, donnant une seconde chance à la planète. 

Écologiste dans l’âme, Carolyn Carlson ne cesse depuis plusieurs spectacles de questionner notre rapport à la terre. Elle transperce nos consciences avec finesse et intelligence. Entraînant ses neufs danseurs, tous excellents, dans un monde peuplé de nymphes, d’elfes, de samouraïs, de troubadours, elle signe une œuvre lyrique teintée d’une suave mélancolie et de fantasques rêveries. 

Sublimant le réel, The TREE (Fragments of poetics on fire), véritable ode dansée, hante un peu plus d’une heure durant nos imaginaires. Tout est maîtrisé, sculpté pour que chaque image, chaque enchaînement de mouvement, chaque saynète, créé l’illusion d’un tableau vivant. Déployant un esthétisme sensible, s’amusant grâce à des objets singuliers, tel un seau, un porte-voix de métal, une immense traîne, la chorégraphe touche à l’instant de grâce, celui qui entremêle beauté et cocasserie. 

Rien n’est brusqué, les gestes sont déliés, les silhouettes graciles se déplient, s’étirent en toute légèreté. Grâce aux lumières, très douces, qui cisèlent l’espace, l’habillent, Carolyn Carlson célèbre la nature, s’égare parfois dans des symboliques étranges, opaques, mais instille dans nos pensées son engagement. Le talent de cette grande dame de la danse n’a rien perdu de sa superbe, son écriture toujours plus exigeante, plus précise, fait de beaux miracles, dans la lignée de ses pièces totales, aussi cinématographiques que plastiques. Sans rien perdre de la grammaire de cette figure iconique de la nouvelle danse, la caméra d’Arte rend au plus près le geste chorégraphique. 

The TREE (Fragments of poetics on fire) de Carolyn Carlson. Création à Chaillot – Théâtre national de la Danse. Diffusion sur Arte Concert vendredi 11 juin. Plus d’informations en suivant ce lien.