ManiFeste vient de s’ouvrir : l’occasion de découvrir les compositeurs d’aujourd’hui tels que l’Ircam nous les donne à voir et à entendre jusqu’au 30 juin. Nous étions aux deux ouvertures, une plongée en apnée dans les mille possibles de la création contemporaine. 

ManiFeste s’est cette année ouvert en deux temps. Et ces deux ouvertures nous ont offerts une immersion, in medias res, dans la musique contemporaine. Le premier constat est simple, la création est d’une riche diversité. 

À ce titre, la première ouverture, à Beaubourg, dédiée aux jeunes compositeurs issus du Cursus de l’Ircam, intitulée de manière facétieuse, « qui est musicien-ne ? », offraient quatre styles, quatre affirmations limpides qui dressaient un état des lieux de la jeune musique contemporaine. 

Ainsi, l’accordéon saturé de Fanny Vicens nous livra en guise d’accueil, sa folle énergie.  Sous le titre, si shakespearien, « Her Majesty the Fool », le jeune compositeur Oren Boneh, il n’a pas trente ans,  a conçu une œuvre pour la prodigieuse accordéoniste. Dans cette courte performance, elle livra une rage inconnue, usant de ce fameux « quart de ton » de l’instrument qui lui confère cette aura brute, très présente dans le spectacle. 

À sa suite, Sivan Eldar nous plongea dans un lieu autre, aux soubassements mystiques, dans une veine qui n’est pas sans rappeler le travail lyrique de Kaija Saariaho. Œuvre vocale écrite par Cordelia Lynn, Heave interprétée par le contre-ténor Guilhem Terrail, parvient en moins de quinze minutes à une palette émotive, à une finesse de tons, qui nous lie à ce chant de l’effacement. C’est une très belle promesse pour l’opéra de la compositrice israélienne qui devrait être créé l’année prochaine à l’Opéra de Lille, Like flesh. 

Puis, il y eut l’ébouriffant et virtuose Mutations of Matter. Où sommes-nous ? À New York, savamment diffractée :  les chanteurs et la vidéo qui nous est projetée déconstruisent la ville dans ce projet véritablement audiovisuel. Ingéniosité de l’espace scénique : les chanteurs sont derrière l’écran, créant le sentiment d’une musique qui émanerait de l’image.  Fruit de la collaboration du compositeur Roque Rivas et du vidéaste Carlos Franklin, cette œuvre est une performance fondée sur l’architecture et notamment sur les textes de Rem Koolhaas, dérivant du plus profond de New York, un danseur de hip-hop sur le quai du métro new-yorkais, jusqu’aux gratte-ciel renversés. 

Enfin, Philippe Leroux, dans Quid sit musicus, illustra ce dialogue musical qu’il entretient avec la musique de Guillaume de Machaut. Geste archéologique et hommage musical, cette œuvre, très originale, écrite pour un quatuor de voix, une guitare, et un violoncelle électrique, s’avance aux confins des origines de la musique, et donc de son avenir. 

La deuxième ouverture, qui avait lieu le lendemain 1er juin au Centquatre, pouvait sembler la suite limpide de la première : entrant dans la boîte à miroirs du cerveau de Bernhard Lang, The mirror stage s’avéra une exaltation superbe du chant. D’une rare beauté, cette œuvre du compositeur autrichien permit aux quatre chanteurs, notant les deux sopranos, Els Mondelaers et Fabienne Seveillac, accompagnés d’une simple guitare, de nous plonger dans la féerie habitée du compositeur autrichien, inspiré par les écrits de Lacan. Ponctuée ici et là de citations du psychanalyste, notamment à la fin où s’élève brièvement la voix du maître, cette œuvre introduit surtout un miroir sonore et spatial, puisque les chanteurs, installés face à face,  sont confrontés aux reflets de leurs propres chants, mais nous aussi, public, installés en quadrifrontal, démultiplions les reflets de la musique. Les mises en abyme fondent ce très beau travail qui procure avant toute chose une émotion forte au spectateur. 

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