L’Ina édite le DVD de Britannicus, mis en scène par Stéphane Braunschweig à la Comédie-Française. Sortie le 1er juin.

Quelle belle idée que L’Ina a eu d’éditer ce DVD du Britannicus de Stéphane Braunschweig, joué en 2016 à la Comédie-Française. Mise en scène minimale comme il a l’habitude d’en faire, économie de gestes des comédiens, jeux en retenu, sans cris, et un décor épuré représentant une salle de réunion d’une entreprise… S’est substitué au pouvoir politique le pouvoir économique : Agrippine, Néron et consors sont costumés en hommes et femmes d’affaire. À l’arrière-plan, des portes s’ouvrent, se ferment, les secrets circulent, on écoute, on observe, on espionne.

Une cohérence délicate en ressort, un choix d’autant plus judicieux que Britannicus est une des pièces de Racine les plus intimes, peu de personnages, intrigue dépouillée.

Une mise en scène discrète, qui laisse ainsi aux comédiens la charge, la liberté de porter la pièce. Si dans certaines représentations de Britannicus, un personnage l’emporte sur les autres, là Néron et Agrippine prennent tous deux la lumière. Dominique Blanc est époustouflante en mère rageuse, disgraciée, presque brisée. Les gros plans de la caméra dévoilent un visage sûr, à l’apparence apaisée, peu expressif, mais cette peau pâle, diaphane nous fait sentir sa fragilité. Si sa passion pour le pouvoir, sur Rome, sur son fils, la traverse, la heurte, la fatigue, elle reste digne, d’humeur altière, souveraine au noble port de tête, à la fierté impérieuse. L’inverse de l’Agrippine asthénique jouée par Anne Benoît dans le Britannicusde Jean-Louis Martinelli.

Néron, incarné par Laurent Stocker, est très convaincant dans un jeu où là encore, le less is more domine. Rappelons que la pièce raconte un Néron au pouvoir depuis seulement deux ans. Il n’est pas le monstre absolu à venir, déjà féroce, certes, mais juvénile et innocent encore. Le fameux Actes IV où il se confronte à sa mère, le peint en enfant vulnérable. Stocker joue monocorde, et seul (merci aux gros plans de la caméra !) une manière de lever les pupilles de ses yeux vers le haut, évoque la métamorphose de cet homme en monstre, dans une esthétique de film d’horreur. On peut là trouver dommage que l’aspect baroque de la pièce soit gommé, tant Néron y est mesure, démesure, raison, passion. Qu’on se souvienne d’Alain Fromager chez Martinelli, passant d’un registre à l’autre, voix enfantine, voix grave et menaçante ; gestes sadiques puis tendres ; gestes sexuels puis étreintes amoureuses.

Il n’en demeure pas moins que la pièce est efficace, maîtrisée, le plaisir est là à écouter ses vers scandés qui sont la charpente de cette histoire. Une charpente si contemporaine, tant Racine fidèle à Aristote, a fait de ses héros des êtres d’imperfections ; si contemporaine, aussi, tant on évolue dans un univers en perpétuel mouvement, les identités des personnages sont flottantes, changeantes, duplices, et les ressorts des actes et propos des protagonistes semblent obscurs ; si contemporaine, enfin, tant les dieux y brillent par leur absence, tant le « merveilleux païen » si cher à Racine, ne s’y exprime pas :  le destin n’est ici que passions mortelles, égoïstes, menant à un bain de sang.

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