Avec La Chair de sa chair, Claire Favan signe un thriller haletant sur un drame familial. Et se penche sur nos erreurs et leurs conséquences.

On entend souvent affirmer que l’erreur est humaine. Mais ce proverbe latin n’est pas toujours pleinement compris. En effet cette expression n’indique pas seulement qu’il arrive aux humains de faire des erreurs – ce qui serait une platitude doublée d’un truisme – mais que faire des erreurs caractérise l’humanité. C’est-à-dire que c’est le fait de commettre des erreurs qui, en dernière instance, fait de nous des humains. Comment vivrions-nous dans un monde où la possibilité de l’erreur nous serait retirée ? Eh bien ce monde – ce monde tragique et cauchemardesque comme celui de certains films noirs américains – c’est celui des polars de Claire Favan.

Dans La Chair de sa chair, son dernier thriller, c’est un dénommé Bruce Thomas qui va faire une sacrée bourde. Jugez-en plutôt : dans le Wisconsin le docteur Thomas travaille sur les rives du lac Winnebago, dans un institut soignant de lourdes pathologies psychiatriques. Un jour, on lui enjoint de se prononcer sur le cas de Nigel O’Donnel, un patient de huit ans ayant tué sa sœur atteinte de mucoviscidose, en l’étouffant sous un oreiller. Pourquoi a-t-il commis ce crime ? Moment de folie ? Emprise psychique ? Jalousie ? Impossible de le savoir : le gamin se mure dans un silence absolu. Mais voilà, Bruce Thomas se prend d’affection pour le petit Nigel. Et c’est là qu’il commet une grosse bévue : pour mieux comprendre le passé de son patient, il décide de se rapprocher de la mère de l’enfant, sans que celle-ci sache qu’il est le psychiatre de son fils. Pire : il se laisse aller à une relation sentimentale avec elle. Comment Bruce se sortira-t-il d’une situation d’autant plus inextricable que le sort juridique du petit Nigel est en jeu ? C’est simple : il ne s’en sortira pas… Claire Favan excelle à décrire la descente aux enfers d’un type bien sous tous rapports, un type qui a juste commis une erreur « humaine ». Elle décrit avec justesse l’horizon qui se referme, l’absence de solutions, l’impossibilité de trouver la moindre issue, les autres qui se détournent, le cœur qui se rétracte, l’âme qui crie et qui étouffe, la nécessité de construire une citadelle intérieure pour ne pas sombrer… et espérer qu’un jour on pourra sortir de l’enfer dans lequel on s’est mis soi-même.

Le nouveau roman de Claire Favan pose donc cette question : comment vivre son humanité, comment s’accrocher à elle, si ce qui la constitue en propre – le fait de faire des erreurs – nous est dérobé ? Faut-il espérer trouver quelque part à l’intérieur de soi un réconfort d’ordre religieux ? La question nous saisit avec d’autant plus que force que, à bien des égards, les histoires de Claire Favan font écho à la précarité de nos existences.

La Chair de sa chair de Claire Favan, Harper Collins Noir, 353 p, 20 €