Cette année le Festival de Berlin a lieu en ligne. Transfuge vous fait vivre cette expérience inédite.

On n’est pas très chauviniste à Transfuge, revue cosmopolite. On trouve même qu’il y a quelque chose de puéril, en période de festival, à louer (ou à déplorer c’est le même geste) la qualité des films venant de l’hexagone. Pourtant force est de constater que ce sont deux films français qui aidèrent, hier, le Festival de Berlin à vraiment décoller.

Albatros de Xavier Beauvois, d’abord. Le film raconte l’effroyable mésaventure d’un gendarme qui abat un homme qu’il essayait de sauver. Si les circonstances de l’accident et ses conséquences sont décrites avec beaucoup d’exactitude et de justesse, c’est surtout le drame d’un homme ordinaire (Jérémie Rénier, très convaincant) qui intéresse le réalisateur des Hommes et des dieux. Il s’agit moins pour le cinéaste en effet de prendre parti dans les débats actuels sur les violences policières que de suivre le chemin de douleur d’un individu confronté au scandale de la mort et de la faute. Empreint d’une religiosité discrète mais sensible, Albatros raconte l’expérience spirituelle d’un père et d’un homme confronté au vacillement de son rôle d’époux et de père (la femme et la fille du personnage principal sont d’ailleurs jouées par la femme et la fille du réalisateur, ce qui indique la dimension personnelle du questionnement au cœur du film). Surtout Beauvois excelle, sans idéologie d’aucune sorte, à filmer le travail : celui d’un gendarme de province (Etretat), dans sa routine, ses plaisirs, ses solidarités, ses difficultés, ses affres. Enfin le réalisateur du Petit lieutenant s’illustre dans sa façon de filmer le paysage. Alors que le cinéma français peine souvent à filmer le paysage (nous le déplorions dans un récent édito), Beauvois fait entrer – avec beaucoup de tendresse et d’hospitalité – le pays de Caux dans Albatros : ses visages, ses habitants, ses métiers, ses panoramas. Voilà en somme un film sincère qui ose la candeur plutôt que les facilités de l’idéologie. Nous serions heureux qu’il soit récompensé par le jury de cette Berlinale.

Petite maman

Petite maman de Céline Sciamma, ensuite. C’est l’histoire de Nelly (Joséphine Sanz) qui, suite au décès de sa grand-mère, vient vider la maison de celle-ci avec ses parents. Mais loin de s’attarder sur la réalité prosaïque de cette situation (les meubles et objets à trier, le partage, le ménage etc.), le film se tourne vers le conte fantastique intimiste. En effet le deuil de sa grand-mère devient pour Nelly l’occasion d’explorer le passé de sa mère. Et cela en arpentant une forêt comme dans une fable initiatique médiévale ou romantique. Si le film paraît parfois un peu ténu et affecté, Céline Sciamma, grâce à son art de coloriste, à la, ligne claire du filmage et à la justesse avec laquelle elle regarde les enfants (on pense à Tomboy) réussit à nous toucher. Et même à nous prendre à la gorge.

Je vous le disais : cette étrange Berlinale a décollé et nous donne de l’appétit pour le cinéma de demain. D’autant que mes oreilles vibrent encore de l’analyse exaltée proposée par Frédéric Mercier d’un premier géorgien. Mais il vous en parlera demain.