Fabrice Lardreau signe un roman tendu et rusé, qui mêle brillamment conte cruel et histoire naturelle.

Ne vous fiez pas à la phrase de Fabrice Lardreau. Elégante comme une fourrure rousse semée de reflets dans les clairs-obscurs d’un sous-bois, elle a la malice cruelle de ces fauves de nos latitudes, ceux que chantent Hendrix dans cette « Foxey Lady » qui clôt en point d’orgue ce roman où Ballard rencontre De Quincey. Non, ne vous fiez pas à Fabrice Lardreau, qui hybride le polar tendance Samouraï, l’anticipation aux relents d’apocalypse, la rêverie urbaine et les fantasmes tremblés, vieux comme l’homme, où celui-ci se fond avec la bête. La Ville rousse joue, furtive et souveraine, avec le roman, qu’elle emporte dans sa gueule, zigzagant d’un genre à l’autre – comme un renard sa poule entre les crocs.

De renards, il est donc question, avec Patrick, porte-flingue pro de Christian, grand patron qui ne lésine pas sur les basses œuvres. Deux prédateurs au figuré confrontés à des prédateurs bien littéraux. Car dans une Lutétia d’après l’« Effondrement », un Paris de demain, mais bien proche d’aujourd’hui et qui se souvient d’hier (Fabrice Lardreau a un art à la fois évocatoire et puissamment réaliste de peindre la banlieue), où on continue à excaver et à forer pour installer le Grand Métro, d’inattendus rôdeurs se sont immiscés : les renards. Dès lors tout se mêle et s’enchevêtre, les chasseurs et les chassés, le passé et le présent, la fable écolo et la confession. Celle de Patrick qui, rattrapé par ses actes, comme pris au piège, raconte tout, dévidant ce roman d’un renard trop humain.

Fabrice Lardreau, La Ville rousse, Julliard, 160 p., 18€