A la MC93, portes closes en raison du confinement, le comédien Pierre-François Garel répète pour un public de professionnels, La Septième, adaptation scénique de 7, roman d’anticipation du philosophe Tristan Garcia, par la metteuse en scène Marie-Christine Soma. 

Par un samedi gris et frais d’automne, la MC93 ouvre sa porte de service à un tout petit nombre de professionnels, l’objectif est de pouvoir présenter une des pièces qui devaient être créées et exploitées en ses murs courant novembre. Faute de pouvoir accueillir du public et de pouvoir roder son spectacle, le comédien Pierre-François Garel, sous le regard de Marie-Christine Soma, peaufine sa partition, une vraie performance, tenir en haleine seul sur scène deux heures trente durant l’attention de spectateurs éparses pour une part, imaginaires pour une autre. Le travail porte ses fruits, le pari est réussi. Présence solaire, intense, il tient en haleine et entraîne l’assistance dans cette histoire surréaliste de renaissance. 

Dans la pénombre de la salle, un film défile sur un grand écran de fortune. Les images, accompagnées d’une voix off, content l’histoire de ce petit garçon, qui, a sept ans, se met à saigner du nez, sans que rien, à part une décoction magique à renifler, ne l’arrête. Mal prodigieux, stigmate singulier, cette manifestation divine, extraordinaire, fait de lui un être immortel. Ayant déjà vécu six vies, dont il se souvient dans le moindre détail, le narrateur, épuisé, sent, à l’aube de cette septième renaissance, le besoin de déposer son fardeau, de confesser ses péchés, de livrer son regard lucide sur le monde, ses errances. 

Prix Nobel de science, chef de combat, guide spirituel, écrivain à succès, gourou maléfique, criminel ou simple quidam, notre héros ordinaire explore à chaque nouvelle existence tout le champ des possibles. Chaque renaissance, au même endroit, à la même époque, est l’occasion pour le jeune homme, né dans un chalet isolé, loin du monde, de modifier l’histoire, de faire de nouvelles expériences, de tester les limites de ce bien étrange pouvoir. Certes avec des variantes, puisqu’ayant connaissance de ce qui va se passer, il peut influer sur le cours de sa destinée, tout se répète inlassablement, sa rencontre avec Fran, complice de son secret, ses amours heureux ou contrariés avec Hardy (lumineuse Mélodie Richard à l’écran), femme de ses vies. 

S’emparant de la septième nouvelle du roman 7 de Tristan Garcia, la metteuse en scène Marie-Christine Soma interroge la capacité de chacun à changer le monde, la fatalité, la force de l’individu face à la masse. Conte métaphysique autant que récit d’anticipation, La Septième tire sa force troublante de l’intensité de jeu de Pierre-François Garel. 

Dans un décor signé Mathieu Lorry-Dupuy, basique, sommaire, le comédien incarne avec justesse les différents caractères d’un même personnage. Il capte, avec rien d’autre que sa présence solaire autant que ténébreuse, l’attention de bout en bout, sans jamais la relâcher. Humain, sensible, presque banal, il est l’essence même de cette œuvre qui ne demande qu’à éclore, à se frotter au public.

La Septième d’après 7 de Tristan Garcia,  Editions Gallimard, mise en scène et adaptation de Marie-Christine Soma, avec Pierre-François Garel. Création huis clos à la MC93, novembre 2020