Monaco n’aime pas seulement le cash, le kitsch et le calme. La principauté aime aussi le clash cool très classe, cette manière de s’affronter sereinement sans mort d’homme qui pourrait être une autre définition de la littérature de haute altitude. Le Prix Fondation Prince Pierre de Monaco récompense chaque année un écrivain chanceux qui a l’impression d’avoir gagné au loto une petite somme sympathique ( 25.000 euros), de quoi peut-être payer la réparation de la toiture ou voir venir sereinement quand on ne vend pas beaucoup de livres, même si l’on est grand. La principauté a bon goût, cette année encore. Parmi les cinq finalistes de ce prix récompensant l’ensemble d’une œuvre : deux pointures, Pierre Michon et Christian Bobin. Le premier est considéré comme un auteur majuscule depuis ses « Vies minuscules », le second parle aux oiseaux comme Saint François d’Assise et se satisfait très bien de la contemplation d’un brin d’herbe ou d’un nuage dont il peut tirer des pages assez belles. Les deux hommes se distinguent par un certain goût pour la solitude, le silence et le peu d’attirance pour la lumière des podiums. C’est Christian Bobin, qui cette année, a été sacré sur le Rocher prince des écrivains. Débarqué du Creusot, sa ville natale où il vit toujours et qui a peu de rapport, c’est le moins que l’on puisse dire, avec Monaco, cet homme réservé au timbre de prêtre laïc semblant porter toute la douleur de l’humanité sur ses frêles épaules, a évoqué « ces trois axes qui sont aussi indissociables que les roues dentelées d’un mécanisme de petite montre : le monde, le cœur et la culture, trois choses qui doivent s’accorder », a précisé le lauréat sous les ors de l’opéra de Monte Carlo, poursuivant son envolée : « aujourd’hui le monde est terriblement malade, notre cœur est meurtri et la culture s’en va peu à peu. Le monde souffre parce que l’on ne laisse plus battre son cœur ; nous sommes malades de la déperdition du langage et de ne plus savoir nommer les choses vraies. On ne sait plus parler au monde ». Christian Bobin faisait à cet instant le curieux effet d’un prédicateur en sandales frappant à la porte du roi Midas. C’était beau et trop court. Le silence céda la place aux applaudissements. Christian Bobin ou l’enchantement simple dans la nuit des Ferrari rugissantes. 

Dernier ouvrage paru : Pierre (Gallimard), Un portrait intime du peintre Pierre Soulages.  

Autres lauréats : 

Salomé Berlemont-Gilles, Bourse de la Découverte 2020 pour Le premier qui tombera, paru aux Editions Grasset.

Mathieu Palain, Coups de cœur des Lycéens 2020 pour Sale Gosse, paru aux Editions de l’Iconoclaste.