Vous souvenez-vous du dernier plan de Mon roi ? Ça commençait par une pomme d’Adam en gros plan, puis la caméra montait lentement, caressant le menton, la bouche, les fossettes, la commissure des lèvres. C’était le dernier plan mais c’était bien tout le film qui, comme le personnage interprété par Emmanuel Bercot, paraissait stupéfié, presque pétrifié, par le charme viril de Georgio (Vincent Cassel). À tel point que le film – loin de vraiment traiter son sujet (l’attraction pour un salaud) – finissait par sombrer dans une sorte de fascination veule pour la mauvaise foi, l’autolâtrie et la frime du roi en question. Inutile de dire qu’une telle complaisance pour le narcissisme nous avait gênés. Pouvait-elle nous faire imaginer ce qui nous attendait après ? Eh bien la suite la voilà. Ça s’appelle ADN. Et c’est obscène d’auto-érotisme décomplexé et satisfait.

Qu’est-ce que ça raconte ? C’est l’histoire d’une jeune femme (jouée par Maïwenn) appelée Neige, un prénom qui dénote un fantasme de pureté que le film n’interrogera jamais. La mort de son grand-père, un ancien fellagha, pousse celle-ci à s’éloigner de sa famille française (son père vote Le Pen, histoire d’être subtil) et à se rapprocher de ses origines algériennes. Là voilà demandant la nationalité algérienne et commandant à l’étranger un test ADN pour connaître l’exact pourcentage d’Algérie en elle. Ce récit de recherche des origines aurait pu permettre à sa réalisatrice de raconter une complexe et difficile quête intérieure dans une France n’ayant pas fait la paix avec son passé colonial. Hélas, la quête de Neige n’est que folklorique. Pire : elle est narcissique. Des exemples ? Maïwenn se filme langoureusement baignée de soleil, avalant un thé à la menthe à grands bruits de succion, comme on le boit « là-bas ». Ou encore : Maïwenn se montre, nonchalamment étendue dans les vapeurs d’un hammam où une masseuse, la couvant de ses soins, berce ses blessures (lesquelles exactement ? Rien de moins clair). Ces exemples disent tout et c’est violent : dans ADN, l’Algérie n’existe pas. Dans ADN l’Algérie est recolonisée par un délire égocentrique. Dans ADN la réalité algérienne est biffée, réduite à une simple image d’Épinal, à un décor destiné à exalter – de façon quasi-masturbatoire – le narcissisme de son actrice/ réalisatrice. Et ce jusqu’au dernier plan – sordide d’onanisme identitaire – où celle-ci s’affiche extatiquement enroulée dans un drapeau algérien.

Cela étant dit, on devine pourquoi le film séduira. Pour son goût des acteurs (et de leur part narcissique ?), d’une part. Soit une manière de les mettre en valeur qui offre à Fanny Ardant, Louis Garrel, Marine Vatch ou Dylan Robert aussi bien des scènes à l’estomac que des moments suspendus, doux. Pour, d’autre part, sa manière de ressusciter un certain réalisme français (avec Pialat pour héros) dont, hélas, la réalisation de Maïwenn ne conserve que les signes extérieurs, des tics de mise en scène (le tremblé de la caméra, la picturalité des ambiances). Bref, qu’est-ce qu’in fine nous propose ADN ? Une pseudo-immersion réaliste dans le « ressenti » mêlée à une dose de glamour canaille. Pouah !

ADN de Maïwenn, avec Maïwenn, Fanny Ardant, Louis Garrel, Marine Vatch, Dylan Robert, Alain Françon… Le Pacte, sortie le 28 octobre.