En attendant la réouverture des musées, découvrez l’exposition de Gérard Deschamps avec ses commissaires Hanna Alkema & Sophie Warlop sur le site du LAAC.

Dunkerque sous la pluie d’octobre. Un jeune homme de 83 ans met de la couleur dans un ciel barbouillé de gris et, d’une certaine façon, le feu au LAAC ( Lieu d’Art et Action Contemporaine ). Son nom ? Gérard Deschamps. Membre du groupe des nouveaux réalistes, cet artiste n’a jamais bénéficié de la même notoriété parfois extra artistique de ses petits camarades César, Arman, Klein ou Saint-Phalle mais l’artiste n’en a cure : retiré depuis des décennies à La Châtre en Berry, il poursuit sans se presser une œuvre singulière dont la principale caractéristique est d’être ce que le LAAC nomme joliment « une peinture sans peinture », en ayant sans doute en mémoire ces mots de l’artiste : «  Je n’ai pas abandonné la peinture, j’ai constaté qu’elle n’était pas seulement dans les tubes ». Au gré de l’intéressante exposition thématique que lui consacrent les deux commissaires Hanna Alkema et Sophie Warlop, on y découvre en particulier les travaux, remarquables, de Deschampas, sur les plis et replis constitués par des assemblages de grands morceaux de tissus aux imprimés très colorés. Des travaux constituant en quelque sorte le pendant flamboyant des affiches lacérées de son ami Raymond Hains.

Passé le premier choc visuel, voici des sous-vêtements féminins usagés présentés sur des supports rigides comme autant de trophées vaguement inquiétants : prises de guerre, ou plus simplement détournement du fonctionnel pour en faire un symbole d’une légèreté retrouvée après vingt-huit mois en Algérie : l’artiste se défend de toute interprétation politique dans ses œuvres, mais on ne peut que souligner la proximité des faits. Une proximité entretenue avec d’autres travaux des années 60 : de grandes bâches de l’armée américaine exposées telles quelles, usées et certaines délavées où persistent de grands éclats d’un rouge sang de bœuf extraordinaire. Là, comme souvent dans le travail de cet homme discret, la fascination pour les strates différentes du temps à l’œuvre sur un support. On s’arrêtera enfin sur des sculptures monochromes façonnées à partir de bouts de carcasses métalliques, parfois trouées de balles, parfois résultats de leurs pulvérisations aux explosifs. Celles-ci rappellent combien, s’il y a souvent jeu créatif chez Gérard Deschamps ( ses installations aux couleurs pop de skate-boards, de ballons, de casques de cyclistes ou de motards en témoignent…), l’envers du décor est plus sombre que celui-ci l’admettrait sans doute. 

Gérard Deschamps, Peinture sans peinture, LAAC, jusqu’au 7 mars 2021.

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