Après quelques années d’absence, Frédéric Fisbach revient au théâtre de la Colline avec Vivre ! Une pièce qu’il a écrite à partir du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc de Charles Péguy.
Il faut se méfier des apparences. Frédéric Fisbach porte un nom alsacien mais ses origines, traversées par l’exil, sont juives, belges et roumaines du côté paternel, égyptiennes et italiennes du côté maternel. Lui est né à Paris où Gamila sa grand-mère égyptienne (mais née à Trieste lorsque la ville appartenait à l’Empire austro-hongrois) prof de maths, lui fait découvrir très jeune le théâtre et la danse. Frédéric Fisbach me parle de son enfance dans le quinzième arrondissement, face aux usines Citroën « au temps où l’on y fabriquait encore des voitures ». Après une année à l’école de la rue Blanche, il entre au Conservatoire, y rencontre Stanislas Nordey sous la direction duquel il jouera plusieurs années. « Amoureux du théâtre, je voulais tout faire », me confie-il. Alors il joue, fait partie de la troupe de Nanterre, commence bientôt ses propres mises en scène et se retrouve programmé un peu partout. La carrière de celui qui se décrit comme un « enfant gâté» est fulgurante. Jusqu’à sa mise en scène des Feuillets d’Hypnos de René Char alors qu’il est artiste associé au Festival d’Avignon en 2007. Le spectacle est très mal reçu. Sans le renier, Frédéric Fisbach me confie qu’il traversait alors une crise artistique. S’ensuivent un lynchage et un tourbillon qui m’évoquent la chute d’Icare. Il décide de faire une pause. « Je n’avais pas le même désir, il fallait que je prenne le large », dit-il. Il élabore le projet artistique du Centquatre pour « accompagner ceux qui savaient ce qu’ils avaient envie de dire ». Avant de partir, début 2010, pour le Japon. Une seconde patrie qui le fascine par son «extrême étrangeté » et dont il parle un peu la langue. Il y signe son premier long métrage, y met en scène Mademoiselle Julie qu’il reprendra en France avec Juliette Binoche et surtout y rencontre les formes théâtrales japonaises. Des formes auxquelles il pense encore pour Vivre ! qui signe son retour. Une pièce d’anticipation dans laquelle des actrices reprennent la création du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc malgré la mort, six ans plus tôt, de leur metteur en scène, « F ».
« F » c’est lui bien sûr. Frédéric Fisbach s’imagine mort pour mieux renaître. « Cela m’a désinhibé pour écrire ». Pourtant Vivre ! est une pièce qui n’a rien de moribond, comme son titre l’indique. Charles Peguy et sa vision de « Jeannette » le touchent. Ce long poème lyrique montre Jeanne d’Arc petite fille, avant qu’elle n’entende les voix. Une figure ardente qui évoque pour Frédéric Fisbach la lucidité et l’espoir portés par Greta Thunberg, dont il souligne la « magie et l’entêtement merveilleux » face à un monde d’adultes qui aimerait qu’elle reste à sa place. Fisbach me l’affirme : il veut « revenir au théâtre en imaginant un avenir où il est possible de vivre ». Une renaissance.
Vivre ! de Frédéric Fisbach d’après Le Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc de Charles Péguy, du 29 septembre au 25 octobre au Théâtre national de la Colline.
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