De l’Italie à la France, de Claude Régy au Théâtre de la Ville, Serge Maggiani s’avère un des acteurs essentiels du théâtre français. Ce fidèle compagnon d’armes d’Emmanuel Demarcy-Mota revient à la rentrée dans un rôle somptueux des Sorcières de Salem. Portrait.

Les hasards de la vie font parfois sourire : lorsque j’appelle Serge Maggiani pour faire son portrait, il me raconte d’une voix chaleureuse et amusée que c’est à l’Espace Cardin, au début des années soixante-dix, qu’il est monté sur scène pour la première fois dans une mise en scène du Vaisseau fantôme de son professeur de théâtre au cours Balachova : Claude Régy. Et que c’est à l’espace Cardin qu’il revient avec les Sorcières de Salem dans lesquelles il joue le rôle de Proctor pour Emmanuel Demarcy-Mota. En attendant sur ses terres natales, en Toscane il s’apprête à jouer Le Laboureur de Bohème « entre deux tilleuls, face à la mer, dans un hameau de cinquante personnes. J’adore ça », dit-il. Serge Maggiani est né d’un père italien et d’une mère croate qui s’installent « provisoirement » en France lorsqu’il est enfant. Il étudie longuement le mime avant d’être acteur : « autrefois je ne voulais pas parler », confie-t-il. On n’en saura guère plus par pudeur mais peut-être ce désir de silence vient-il de sa jeunesse à une époque où « les Italiens souffraient de discrimination par la langue, la possibilité de se faire traiter de macaroni n’était jamais très loin ». Maggiani vient de Carrare, « le pays du marbre blanc » où il vit par intermittence. Une position agréable « comme une vie en déséquilibre », sourit-il. L’Italie c’est aussi l’amour de Dante. « Être Italien, c’est croire que Dante a vraiment été en enfer et qu’il en est revenu », affirme-t-il avant de me parler des expressions liées au poète qui rythment la vie des foyers italiens.

Acteur rare, lucide face à la fuite du temps, Maggiani aime prendre le sien pour faire régulièrement un pas de côté avec des seuls en scène : Les Mémoires de Saint Simon, La Divine Comédie, la Recherche du temps perdu. Des textes qu’il chérit tellement qu’il peut vous les réciter à loisir. Il ne se met jamais en scène, préférant laisser cela à d’autres comme Valérie Dréville avec laquelle il a joué dans Le Soulier de satin par Vitez en 1987. Vitez, Régy, Schiaretti, Demarcy-Mota (père et fils) Adel Hakim, Catherine Dasté, etc. Quel metteur en scène l’a le plus marqué ? Difficile de répondre pour cet homme délicat qui ne voudrait blesser personne. Mais c’est sûrement Claude Régy qui a, dit-il, opéré sur lui « comme une greffe » et fait découvrir que « monter sur scène ne laisse pas de place à l’imposture ». Une exigence qu’il retrouve chez Emmanuel Demarcy-Mota qui le dirige depuis Rhinocéros en 2004 et dont il loue la confiance. Tout comme la possibilité de jouer la même pièce des années. « L’acteur devient musicien : on joue les mêmes notes mais l’air est différent. C’est fascinant ». Quant aux Sorcières de Salem elles le passionnent : « J’ai découvert la scénarisation américaine : Miller tire les ficelles, vous êtes sa marionnette ». Maggiani, toujours émerveillé par son métier me quitte sur une réflexion pirandellienne : « C’est magique d’enfourcher pour quelques heures des textes éternels ! Les personnages sont réels et éternels ». 

Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller, mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota, avec Elodie Bouchez, Serge Maggiani…du 8 septembre au 10 octobre au Théâtre de la Ville. Plus d’informations en suivant ce lien.